Taylor

Ma main s'appuie sur la joue de Madelynn. Elle passe une main sur ma nuque et me maintient contre elle. Je l'embrasse encore, mais cette fois, je la sens qui me répond pleinement consciente de ce qu'il se passe. Ses lèvres bougent avec les miennes doucement. Je finis par rompre notre baiser.

J'en dépose un chaste sur le bord de ses lèvres avant de me reculer. Bizarrement, je me sens confiant. Bien plus que je n'ai pu l'être avec mes premières expériences. Le coaching intensif de Lisa semble porter ses fruits. Cependant, je pense aussi que l'influence qu'a Madelynn sur moi m'est bénéfique pour oser.

Oser me tenir devant Will, devant son père. Oser avoir dit non à Anyka aussi. Et oser la désirer, même un tant soit peu malgré l'interdiction que je m'étais mise mentalement.

Je mordille ma lèvre inférieure en gardant le contact visuel avec Lynn. Elle soupire et ferme les yeux.

—Putain Taylor...

Je glousse.

—Quoi ? J'embrasse si mal que ça ?

Elle rit à son tour avant de rouvrir ses yeux. Je la contemple. Ses cheveux bruns en cascade sur ses épaules, ses petits yeux qui me regardent aussi, et ses lèvres rosées et gonflées.

J'ai envie de l'embrasser encore.

Je me penche encore pour déposer un bisou sur sa joue.

—Tu devrais te reposer Lynn.

Elle paraît surprise que je lui dise cela. Je ne contrôle pas vraiment mes actes : mon cœur est emballé et je peine à réfléchir correctement.

—Tu peux rester avec moi ? me demande-t-elle doucement.

Je souris et hoche la tête. Je m'installe à côté d'elle et passe mon bras sur les épaules. Elle se couche sur le côté puis passe son bras autour de mon torse, posant sa tête sur ma poitrine. Je ne peux pas voir ses yeux, je ne peux pas savoir ce qu'elle pense, ce qu'elle ressent mais je me contente de caresser son avant-bras avec mon pouce. J'embrasse son crâne et respire le parfum de son shampoing.

—Je... commence-t-elle avec une petite voix que je peine à entendre.

Elle se racle la gorge et tente de reprendre.

—J'ai du mal à manger ces derniers temps.

Je ne réponds pas, elle essaye de s'ouvrir. Je ne compte pas l'interrompre dans son effort. Les conseils de Léo me reviennent en mémoire : je dois la laisser venir, parler de ce qu'elle veut sans lui forcer la main.

—Mon père n'est au courant de rien pour... pour la soirée.

Elle se tait, presque honteuse. Je l'entends prendre une grande respiration. Ça doit faire beaucoup pour elle.

—Est-ce que tu veux en parler ? De ce que Will t'a fait ?

Ma voix se fait aussi douce que possible. Sa tête décrit un petit mouvement sur mon torse. J'en conclus que oui, elle veut en parler.

—J'ai... Il m'a fait mal, murmure-t-elle.

Sa voix vibre et je la sens trembler. Je la ramène vers moi et la serre dans mes bras. Elle dépose sa tête contre mon cœur. Ma main trouve sa joue.

—J'ai eu peur.

Une larme roule sur son visage et s'écrase contre mon pouce. Je tente de la bercer et murmure :

—Je sais. C'est fini, il ne te touchera plus.

Elle se met à pleurer à chaudes larmes.

—Et même si j'en parlais à mon père, il ne ferait rien !

Je fronce les sourcils : un père agirait contre le garçon qui a agressé sa fille, pourquoi pas le sien ?

C'est vrai qu'en y repensant, elle ne m'a jamais parue proche de son père : elle avait même l'air d'avoir des relations compliquées avec. Comme le jour de mon arrivée...

—Il n'a jamais rien fait... soupire-t-elle.

Je la berce encore, ses sanglots se calment et elle revient à un état plus calme.

—Je peux te parler de quelque chose ? m'interroge-t-elle en levant la tête pour croiser mon regard.

Je souris tendrement.

—Bien sûr.

Elle se mord les lèvres et semble livrer un combat contre elle-même. Elle finit par soupirer une énième fois.

—Ma mère est décédée il y a quelques années.

Elle marque une pause, je n'ose même pas lui présenter mes condoléances. Je me contente d'embrasser une nouvelle fois son crâne.

—Et quand j'ai eu des soucis au collège et au lycée... Mon père ne m'a pas vraiment soutenu.

Sa main s'agrippe à mon t-shirt et continue :

—J'ai été... harcelée on va dire et... Elle marque une pause pour racler sa gorge qui se noue, lorsque mon père l'a appris, il m'a simplement dit que je lui faisais honte et que ma mère aurait honte aussi.

Je serre la mâchoire. Un silence s'installe, je crois que Madelynn attend que je réagisse. Je tourne les informations dans ma tête. Au travers de toute mes pensées, une m'assaille :

Elle a dû se sentir seule.

Madelynn se redresse afin de planter ses yeux dans les miens. Encore une fois, elle est sans défense et visiblement tendue. Elle s'ouvre un peu mais elle a peur. Et c'est compréhensible...

—Tu veux porter plainte ?

Une partie de ma tête cherche un plan, quelque chose pour punir cet enfoiré de Will et Noah avec. Elle hausse les épaules.

—Je ne sais pas, ça ne ferait rien de toute manière et mon père ne me croirait pas.

Je pince mes lèvres. J'ai peut-être une idée.

—Noah doit avoir la vidéo non ? Ça serait une preuve suffisante pour leur nuit.

Elle hoche la tête et joue avec ses doigts.

—C'est tout ce qui t'importe là maintenant ?

Je comprends qu'elle est vexée que je ne rebondisse pas sur son passé. Elle se fiche bien d'aujourd'hui, elle veut que j'allège les boulets qu'elle traîne derrière elle depuis des années. Je me mets une claque mentalement.

—Madelynn...

J'attrape ses mains et plante mes yeux dans les siens.

—Je suis désolé pour tout ce que tu as vécu, ton père n'a pas idée à quel point il passe à côté d'une fille incroyable.

Je pense chaque mot qui sort de ma bouche.

Le mouvement des yeux de Lynn vers le haut m'indique qu'elle a dû mal à me croire.

—Tu es forte, incroyablement forte, je reprends en la fixant. Et je suis heureux que tu m'ais parlé de ça. Je... Tu me plais beaucoup, mais pas juste parce que tu sais te mettre en valeur, ou parce que tu es probablement la personne la plus inaccessible du lycée, (elle lâche un gloussement) mais parce que tu es une bonne personne même si tu le caches, parce que tu es loyale et protectrice. Je n'ai pas passé beaucoup de temps avec toi, mais Lynn, je lui relève la tête à l'aide d'une main sous son menton, j'ai vu qui tu es, une fille extraordinaire qui a trop peu entendu son entourage le dire. Et je suis certain que ta mère pense la même chose que moi, même si ton père dit le contraire.

Elle a les larmes aux yeux. Je prends son visage en coupe et admire tout ce qu'elle est, à travers ses masques et ses réactions : une fille incroyable.

—Tu es une bonne personne et tu n'as pas mérité tout ça. Et maintenant, je suis là et je serai là jusqu'à ce que tu me jettes par la fenêtre.

Elle rigole doucement et sourit tristement. Je m'approche d'elle et l'embrasse. Je suis déjà accro à nos baisers.

Et accro à elle.

—Tu n'es plus seule Lynn... Je suis là et je vais t'aider à t'en sortir, je lui souffle lorsqu'elle revient se lover dans mes bras.