Vincent Lemoine passait en revue des journaux et des rapports depuis des jours, cherchant la moindre information sur une disparition récente qui pourrait correspondre à la jeune femme qu’ils avaient recueillie. Il avait interrogé quelques contacts et même exploré les rumeurs circulant dans les cercles mondains. Mais tout semblait terriblement flou.
Rien de concret n’émergeait, seulement des murmures de conflits familiaux dans de grandes maisons et des échos de scandales soigneusement étouffés. Fatigué, il se redressa dans son fauteuil, ses doigts froissant distraitement une lettre inutile.
« Effacer à ce point une personne… Cela ne peut être l’œuvre que d’une famille puissante, ou de quelqu’un qui voulait vraiment qu’elle disparaisse. »
Son introspection fut brusquement interrompue par l’entrée précipitée de Mme Lemoine et de Camille, visiblement excitées.
« Elle est réveillée ! » s’exclamèrent-elles à l’unisson, presque essoufflées.
Vincent se redressa immédiatement, laissant tomber les papiers qu’il tenait. « Vraiment ? Depuis quand ? »
« Ce matin ! Le médecin est revenu tout à l’heure pour confirmer qu’elle progresse doucement, mais qu’elle a encore besoin de beaucoup de repos. Il insiste sur l’importance de ne pas forcer sa mémoire, mais… » Elise échangea un regard avec Camille.
« Mais ? » demanda Vincent, les sourcils froncés.
Camille prit la parole, hésitante. « Il pense que le prénom Alice pourrait être un indice important. Lorsqu’on l’a appelée ainsi, elle a réagi instinctivement. »
Vincent hocha la tête, absorbant cette information. « Cela nous donne une direction. Continuons de l’appeler Alice pour l’instant, mais restons prudents. Si elle a été effacée de toute trace officielle, il y a forcément une raison. »
Mme Lemoine posa une main réconfortante sur l’épaule de son mari. « Elle est en sécurité ici, et c’est tout ce qui compte pour le moment. Nous avons fait ce qu’il fallait. »
Vincent soupira, son regard toujours préoccupé. « Peut-être. Mais si quelqu’un a voulu la faire disparaître, il ne tardera pas à apprendre qu’elle est encore en vie. »
Elise l’observa attentivement. Bien qu’il soit présent, ses yeux semblaient perdus dans le vide, une inquiétude voilée marquant son visage. Elle posa doucement sa main sur son bras. « Vincent, tu ne m’as pas tout dit. Qu’as-tu découvert ? »
Vincent détourna les yeux vers la fenêtre. « Rien de concret. Aucun avis de recherche, aucun signalement qui corresponde. Seulement des rumeurs vagues, des tensions entre certaines grandes familles, mais aucun nom précis. »
Elise fronça les sourcils. « Et qu’est-ce que cela signifie, selon toi ? »
Vincent prit une profonde inspiration. « Cela signifie que si elle a des proches, ils ont tout fait pour que sa disparition passe inaperçue. Une opération de ce genre demande de l’influence, de l’argent, et une intention claire de l’effacer. »
Elise blêmit légèrement. « Tu crois qu’on a voulu la tuer ? »
Il ne répondit pas immédiatement, mais son silence en disait long. Finalement, il murmura : « Si elle est tombée d’une cascade, comme le médecin le suppose, alors oui, quelqu’un voulait qu’elle ne soit jamais retrouvée. »
Elise serra les mains de son mari, cherchant à calmer l’angoisse qu’elle voyait poindre en lui. « Nous l’avons trouvée, Vincent. Nous l’avons sauvée. Tant qu’elle est ici, elle est en sécurité. »
Vincent hocha doucement la tête, mais son regard restait sombre. « Pour l’instant, oui. Mais il faut être prêts. Si quelqu’un apprend qu’elle est en vie, il viendra la chercher. »
Un silence pesant s’installa, seulement troublé par les craquements du bois sous leurs pieds. Camille, qui observait la scène en silence, s’approcha et tendit une assiette de fruits à sa mère. « Maman, tu devrais manger quelque chose. »
Elise esquissa un sourire fatigué et accepta l’assiette. « On parlera de tout cela plus tard, Vincent. Pour l’instant, concentrons-nous sur sa convalescence. »
Vincent acquiesça, bien qu’une ombre de méfiance passa dans son regard. « Oui, mais cela ne veut pas dire que nous devons baisser notre garde. Camille, si elle parle ou si elle se souvient de quoi que ce soit, fais-le-moi savoir immédiatement. »
Camille hocha la tête avec détermination. « D’accord, mais… Papa, elle n’a pas l’air dangereuse. »
Vincent croisa les bras. « Ce n’est pas elle qui m’inquiète, c’est ce qu’elle représente. Si on l’a abandonnée là où elle était, c’est peut-être parce que quelqu’un voulait qu’elle ne soit jamais retrouvée. »
Camille frissonna malgré elle. Un silence tendu retomba sur la pièce.
Finalement, Elise brisa la tension en se levant. « Je vais la voir. Elle doit se sentir seule et perdue. Camille, viens avec moi, nous allons préparer une infusion pour l’aider à se détendre. »
Camille acquiesça et suivit sa mère hors du bureau. Vincent resta seul un moment, le regard fixé sur les papiers éparpillés sur son bureau. Puis, il se leva lentement et se dirigea vers la fenêtre.
Son regard s’attarda sur le jardin illuminé par la lueur du crépuscule. Il allait refermer les rideaux lorsqu’un détail attira son attention.
Une silhouette, immobile, près du portail.
Son cœur se serra. Quelqu’un les observait.