Célia reprit d’un ton plus léger pour apaiser l’atmosphère. « Mangeons un peu et ne pensons pas à tout cela pour le moment. Ce soir, quoi qu’il arrive, tu ne seras pas seule. »
Alice, bien que toujours tourmentée, trouva du réconfort dans la présence de ses amies. Pour un instant, elle sentit que tout n’était peut-être pas perdu.
Pendant qu’elles goûtaient aux petites douceurs apportées par la servante, Célia observait discrètement Alice, son cœur partagé entre son affection profonde pour son amie et ses propres sentiments inavoués pour Hans Falkner. Elle savait que ces derniers n’étaient qu’un poids supplémentaire dans une situation déjà compliquée.
Célia se promit intérieurement que, malgré son amour pour Hans, jamais elle ne laisserait tomber Alice. Son amie ignorait tout de ce qu’elle ressentait, mais cela n’avait pas d’importance. Ce qui comptait, c’était qu’Alice retrouve sa liberté, même si cela signifiait pour Célia de sacrifier ses propres espoirs.
Élodie et Louise, conscientes du temps qui passait, se levèrent pour prendre congé. « Nous devrions rentrer et nous préparer pour ce soir, » annonça Élodie, visiblement gênée de devoir partir. Louise acquiesça, ajoutant d’un ton rassurant : « Nous serons là pour te soutenir ce soir, Alice. Compte sur nous. »
Les deux jeunes femmes embrassèrent chaleureusement Alice et Célia avant de quitter le petit salon. Une fois seules, Célia se tourna vers Alice avec un sourire malicieux.
« Et si nous allions marcher un peu dans les jardins ? Cela te fera du bien, » proposa-t-elle en prenant la main de son amie sans attendre sa réponse.
Alice hocha la tête, reconnaissante de l’attention de son amie. Les deux jeunes femmes déambulèrent parmi les parterres de fleurs et les allées bordées de haies soigneusement taillées. Le murmure du vent dans les feuilles et les derniers rayons du soleil leur procuraient un instant de sérénité, une parenthèse avant la tourmente.
« J’ai pris ma décision, » déclara soudainement Célia. Alice la regarda, intriguée.
« Je vais me préparer plus tôt et t’accompagner au domaine des Vauclair. C’est non négociable. »
Alice ouvrit la bouche pour protester, mais le regard déterminé de Célia l’en dissuada. « Très bien, je me rends, » dit-elle avec un soupir amusé.
Une fois prêtes, les deux jeunes femmes montèrent dans une calèche pour rejoindre le domaine des Vauclair. La lumière dorée du jour déclinait, baignant le paysage dans des teintes chaudes.
Mais alors que l’obscurité s’installait, un bruit sourd résonna, suivi de cris. Elle avait été assez rusée pour que ses ravisseurs ne se doutent pas qu’elle jouait un double jeu.
La calèche fut brusquement arrêtée, et des hommes masqués surgirent des ombres. Avant qu’Alice et Célia n’aient le temps de comprendre ce qui se passait, elles furent saisies, des foulards imprégnés d’une substance étourdissante plaqués sur leur visage. Tout devint noir.
Alice ouvrit les yeux avec difficulté, sa tête lourde et son corps engourdi. Autour d’elle, l’air était frais, chargé d’humidité, et le bruit d’une cascade résonnait non loin. Elle se trouvait dans une petite cabane de bois rudimentaire, à peine éclairée par la lumière de la lune filtrant à travers une fenêtre sale.
Célia était là, assise près d’elle, son expression indéchiffrable. Alice tenta de bouger, mais ses mains étaient liées. « Célia… que s’est-il passé ? Où sommes-nous ? » murmura-t-elle, sa voix tremblante.
Célia posa une main apaisante sur l’épaule d’Alice. « Ne t’inquiète pas. Tout va bien. »
Mais quelque chose dans son ton sonnait faux. Avant qu’Alice ne puisse poser davantage de questions, des hommes entrèrent, leur apparence menaçante. Ils s’adressèrent à Célia, qui semblait étrangement calme.
Un des hommes la scruta avec attention. « Tu sais ce qui t’attend si tu nous trahis, n’est-ce pas ? »
Célia détourna légèrement le regard avant de répondre d’une voix mesurée. « Je connais les règles. »
Après un échange bref mais intense, l’un des hommes s’approcha et trancha les liens de Célia. Elle se leva, réajusta sa robe, puis se tourna vers Alice.
« Je dois y aller maintenant, » dit-elle simplement.
Alice, abasourdie, sentit son cœur se briser. « Célia ? Tu ne peux pas me laisser ici ! »
Célia détourna le regard, évitant les yeux pleins de désespoir de son amie. « Fais-moi confiance, Alice. Tout ira bien. »
Elle sortit, laissant Alice seule avec ses ravisseurs.
Dans la calèche qui la ramenait chez elle, Célia s’autorisa un léger sourire lorsqu’elle fut enfin hors de vue des ravisseurs. Tout se passe comme prévu, pensa-t-elle, masquant soigneusement toute émotion visible.
Pendant ce temps, les ravisseurs se tournèrent vers Alice, qui sanglotait, brisée. L’un d’eux siffla entre ses dents. « Ta petite amie est sauvée. Mais toi… on a d’autres plans. » Ils saisirent Alice, l’entraînèrent jusqu’à la cascade.
Alice, désorientée et paniquée, se débattait tandis que les ravisseurs la forçaient à marcher vers l’eau rugissante. Son souffle était court, son cœur battait si fort qu’il menaçait d’exploser.
« Que voulez-vous dire ? Quels autres plans ? Pourquoi faites-vous cela ? » cria-t-elle, sa voix tremblante d’un mélange de colère et de terreur.
Le chef des ravisseurs éclata d’un rire rauque. « Oh, la demoiselle que nous venons de relâcher ? Ce n’était qu’un bonus. Elle n’a jamais été notre véritable cible. C’est toi, Alice. Depuis le début. »
Alice sentit son estomac se nouer. « Pourquoi ? Je ne vous ai rien fait ! »
L’homme se pencha légèrement vers elle, ses yeux pétillant d’un amusement sadique. « Parce que tu dois disparaître, ma chère. Et quel meilleur moyen de le faire que de te tuer ? »
Le sol se déroba sous elle. L’air fouetta son visage, et son cri se perdit dans le rugissement assourdissant de la cascade. Une seconde, une éternité. L’eau glaciale lui arracha un souffle douloureux, l’engloutissant dans un tourbillon infernal. Son corps fut emporté par le courant tandis que son esprit s’accrochait à une seule pensée : Pourquoi ?