Raphaël et Camille marchaient en silence dans le couloir, encadrant Alice qui avançait d’un pas hésitant. Raphaël restait attentif à chacun de ses mouvements, prêt à la soutenir si elle flanchait. Une fois arrivés dans la chambre, il l’aida à s’asseoir sur le lit tandis que Camille refermait doucement la porte derrière eux.
Alice se laissa aller contre les oreillers, épuisée par les émotions de la soirée. Son regard se perdit sur le plafond tandis qu’elle tentait d’ordonner ses pensées. À peine eut-elle le temps de souffler qu’Étoile bondit sur elle, émettant de petits aboiements inquiets, comme s’il lui demandait si elle allait bien. Ses chiots, à ses pieds, poussèrent de petits couinements en écho à leur mère. Un sourire attendri effleura les lèvres d’Alice. Elle tendit une main vers Étoile et caressa doucement son pelage soyeux.
« Je vais bien, ma belle, ne t’inquiète pas. »
Elle tapota le lit pour lui donner l’autorisation de monter, et la chienne s’y installa aussitôt, blottissant sa tête contre elle. Les chiots, trop petits pour grimper, se couchèrent en cercle autour de ses pieds, leurs petits corps chauds contre sa peau.
Camille observa la scène avec un sourire attendri, tandis que Raphaël, toujours accoudé au pied du lit, croisa les bras.
« Tu es sûre de ton choix ? » demanda doucement Camille.
Alice tourna la tête vers elle et hocha lentement la tête.
« Oui… Je n’ai peut-être pas tous mes souvenirs, mais ce que je ressens est réel. Ici, je me sens bien. Chez les Vauclair, tout ce que je ressens, c’est une peur sourde, un vide. »
Elle baissa légèrement les yeux avant d’ajouter :
« Et chez les Montbrun… je ne ressens rien. Célia a beau me dire qu’on était proches, je n’en ai aucun souvenir. Ce serait comme vivre chez des inconnus. Je ne serais pas plus à l’aise là-bas. »
Raphaël fronça légèrement les sourcils.
« Nous serons toujours là pour toi. »
Alice lui adressa un sourire reconnaissant, mais son regard restait troublé.
« Il y a encore tant de zones d’ombre… Je ne comprends pas tout ce qui m’est arrivé. »
Camille échangea un regard avec son frère avant de répondre :
« Nous allons faire la lumière sur toute cette histoire. Mais pour l’instant, ce qui compte, c’est que tu sois en sécurité ici. »
Alice soupira et caressa distraitement le pelage d’Étoile du bout des doigts.
« Et l’exposition de demain ? Je suis censée y participer, n’est-ce pas ? »
Raphaël fronça légèrement les sourcils.
« Tu n’es pas obligée, Alice. Si tu ne te sens pas prête, personne ne t’en voudra. »
Elle releva la tête, un éclat de détermination dans les yeux.
« Non, je veux y aller. Mon travail est exposé, et je ne veux pas qu’on pense que je suis faible ou incapable. »
Camille sourit doucement.
« Alors nous serons à tes côtés. »
Alice hocha la tête, mais une inquiétude persistait en elle. Elle ne pouvait se débarrasser de cette sensation d’être observée… et que tout ceci n’était pas terminé.
Le lendemain matin, l’air était vif et frais lorsque le groupe quitta la demeure des Lemoine pour se rendre au bâtiment où se tenait l’exposition. Alice, vêtue d’une tenue élégante conçue spécialement pour l’occasion, avançait d’un pas mesuré aux côtés de Mme Delacroix.
Les Montbrun, les Lemoine et Mme Delacroix accompagnaient les artistes exposant leurs œuvres. L’événement attirait déjà de nombreuses personnes, et la salle bruissait de conversations animées. Alice sentit une boule se former dans son ventre. Elle savait que son travail allait être présenté, mais elle ne se sentait pas prête à prendre la parole devant tout le monde.
Les présentations commencèrent. Un à un, les artistes expliquèrent leurs créations, discutant de leurs inspirations, des techniques utilisées et des défis rencontrés. M. Montbrun et sa fille participaient activement aux échanges, posant des questions pertinentes et manifestant un véritable intérêt pour les œuvres exposées.
Alice restait silencieuse, écoutant sans vraiment entendre. Lorsque vint le tour des créations qu’elle avait réalisées avec Mme Delacroix, cette dernière prit naturellement la parole. Avec assurance, elle expliqua le processus de conception, la recherche des matériaux et l’histoire derrière chaque pièce.
Alice, elle, restait en retrait. Ses doigts effleuraient nerveusement le tissu de sa robe, et son regard fuyait celui des invités.
M. Montbrun, intrigué par son silence, fronça légèrement les sourcils avant de demander :
« Je suis surpris… Pourquoi Alice ne dit-elle rien ? Après tout, elle est la styliste. C’est son travail que nous admirons aujourd’hui. »
Avant même qu’Alice ne puisse réagir, Raphaël répondit calmement :
« Il ne faut pas la brusquer. »
Mme Delacroix hocha la tête et ajouta d’une voix douce mais assurée :
« Elle n’est pas à l’aise pour le moment. Après tout ce qu’elle a traversé, c’est déjà une grande étape pour elle d’être ici aujourd’hui. »
M. Montbrun sembla hésiter un instant, mais il n’insista pas. Son regard revint sur Alice, toujours aussi curieux.
Camille, qui se tenait près d’elle, posa discrètement une main sur son bras en signe de soutien.
« Tu n’as pas besoin de parler si tu ne le veux pas, » murmura-t-elle à Alice.
Alice hocha légèrement la tête, reconnaissante. Mais alors que Mme Delacroix poursuivait les explications, un étrange frisson parcourut l’échine d’Alice.
Elle releva légèrement la tête et balaya la salle du regard.
Ce sentiment…
Cette impression persistante…
Elle se sentait observée.
Et cette fois, elle était sûre que ce n’était pas qu’une illusion.