La fête battait son plein du côté des Vauclair. La musique résonnait dans la grande salle de bal du manoir, les invités échangeaient des rires et des conversations animées. Mais malgré l'ambiance joyeuse qui régnait, l'anxiété était palpable chez les Vauclair. Leur regard se tournait fréquemment vers l'entrée, comme si chaque instant d'attente allait dévoiler la vérité qu'ils redoutaient. Depuis une heure, la fête avait commencé, et leur fille n'était toujours pas arrivées.
Lorsqu'enfin, la silhouette de M. Montbrun fit son apparition dans l'embrasure de la porte, un silence discret s'installa. Son air habituellement sérieux, empreint de la noblesse de sa famille, ne fit qu'accentuer la tension dans l'air. Les Vauclair l’observèrent avec insistance, leurs yeux trahissant une inquiétude croissante.
Sans attendre, M. Vauclair s’avança et, d’un ton qui ne laissait aucune place à la légèreté, s’adressa à Montbrun :
« M. Montbrun, il faut que nous parlions, loin des invités. Cela concerne Alice. »
M. Montbrun, d’un regard furtif, se leva, l’air un peu perdu face à la situation. Il suivit les Vauclair dans un coin discret de la grande salle, où les murmures des invités ne parvenaient pas à atteindre.
« Nous vous accusons de retenir notre fille ! Elle n’est pas rentrée, M. Montbrun, et personne ne sait où elle se trouve ! » La voix de Mme Vauclair tremblait légèrement, malgré sa tentative de maintenir son calme. « Elle devait revenir se préparer pour la fête, mais depuis cet après-midi, nous n’avons aucune nouvelle. »
M. Montbrun, toujours aussi implacable dans son comportement, feignit une totale incompréhension :
« Mais enfin, je retiendrais votre fille ? Elle n’est pas arrivée, c’est étrange. Ma propre fille est partie avec elle, justement pour l’aider à se préparer, elles sont parties ensemble à seize heures, comme convenu. »
Il jouait la comédie à la perfection, mais personne ne pouvait discerner son malaise sous son masque impassible.
« Vous voyez bien, M. Vauclair, il n'y a rien de suspect ici. Elles étaient toutes deux prêtes à faire leur entrée, elles ne devraient plus tarder. »
Cependant, l'attention des Vauclair était trop aiguisée pour se laisser duper par ce subterfuge. Ils voulaient des réponses, et vite. Mais avant qu'ils ne puissent insister, les Falkner, arrivant à leur tour, s’approchèrent du groupe. Les Montbrun se tournèrent pour les saluer, mais les Falkner avaient déjà entendu les rumeurs qui circulaient, et leurs visages étaient marqués par l'inquiétude.
« Qu'est-ce qui se passe ici ? » demanda M. Falkner, un ton sérieux dans la voix. « On m’a dit que la jeune femme du jour n'était pas présente. Où est-elle ? »
C'est alors qu’un serviteur arriva précipitamment, tenant une lettre en main. Il se dirigea directement vers M. Montbrun, sans un mot, mais en lui tendant l’enveloppe d’une manière qui ne laissait aucun doute sur son contenu urgent. M. Montbrun la prit, la déchira et commença à lire en silence, ses sourcils froncés à chaque mot.
Les autres observaient, anxieux. Une atmosphère de suspense s’installa dans la pièce, tandis que Montbrun faisait défiler les lignes de la lettre. Son souffle se coupa un instant. Il déglutit avec difficulté, ses doigts crispés sur le papier. Il sentait la sueur perler sur sa nuque, mais il devait garder contenance devant les familles qui attendaient une réponse. Son visage pâlit légèrement, et sa main se crispa autour du papier. Il leva enfin les yeux vers les Vauclair et les Falkner, le regard devenu plus grave.
« Écoutez cela… » commença-t-il d’une voix basse, presque étouffée.
La lettre, écrite avec une précision glaciale, stipulait :
« Messieurs et Mesdames Montbrun et Vauclair,
Si vous tenez à revoir vos filles, Alice Vauclair et Camille Montbrun, vivantes, vous devrez verser la somme de 500 000 livres sterling avant la fin de ce délai de deux jours. Cette somme devra être laissée à l'endroit indiqué ci-dessous, sans aucune tentative de ruse ni de contact avec les autorités. Toute trahison ou action qui pourrait nuire à notre plan entraînera des conséquences fatales pour les deux jeunes filles.
Le lieu de dépôt est la forêt de Valmont, près de l'ancien moulin. Vous y trouverez un endroit précis où déposer l'argent dans un sac en toile, sous peine de ne plus jamais voir vos filles. Le délai est strict et ne souffrira aucune exception. Ce message est sans ambiguïté, et toute tentative de jouer avec nous sera sanctionnée. Nous attendons une réponse rapide.
Si vous avez des doutes, souvenez-vous qu’aucun de vos mouvements ne restera caché. »
Un silence lourd s'abattit sur la salle. Montbrun fixa la dernière ligne, puis la regarda intensément, presque au bord de la panique, les yeux remplis d’une inquiétude sincère qu’il ne pouvait plus dissimuler.
Mme Vauclair porta une main tremblante à sa bouche, incapable d’émettre le moindre son. Ses jambes vacillèrent, et M. Vauclair posa instinctivement une main ferme sur son bras pour l’empêcher de tomber.
Les Falkner, de leur côté, attendaient de connaître les prochaines étapes, leurs visages marqués par l’urgence et l’incompréhension.
Les minutes s’étiraient, chaque seconde plus lourde que la précédente. Tous étaient figés, le regard rivé sur Montbrun, comme si la moindre décision pouvait sceller le destin des deux jeunes filles. Puis, enfin, M. Vauclair prit une inspiration tremblante et ouvrit la bouche pour parler… Mais il le dit rien, choqué de la situation.