Après quelques minutes d’hésitation et de nouveaux regards dans les miroirs dorés, Emma se tourna vers Alice, un sourire timide mais déterminé sur les lèvres. « Je vais prendre la robe rouge. »
Alice haussa un sourcil, agréablement surprise par la décision de sa sœur. « Tu es sûre ? » demanda-t-elle, bien que son sourire trahît sa fierté.
Emma hocha la tête avec assurance. « Oui. Tu as raison, il faut parfois oser. Et puis, cette robe… elle me donne l’impression d’être une autre version de moi, plus confiante. »
Le modiste, ravi, s’approcha pour confirmer la décision. « Une excellente sélection, Mlle Emma. Cette robe est un chef-d’œuvre, et elle vous sied parfaitement. Nous procéderons immédiatement aux ajustements nécessaires, cela ne prendra qu’une trentaine de minutes. Il semble presque que cette robe ait été faite pour vous. »
Il marqua une pause, inclinant légèrement la tête. « Souhaitez-vous un rafraîchissement en attendant ? »
Emma acquiesça avec un sourire. « Avec plaisir. Alice, tu en veux aussi ? »
« Pourquoi pas, » répondit Alice, un sourire en coin.
Les deux sœurs prirent place dans un élégant salon attenant à la boutique, où des boissons fraîches et des petits gâteaux leur furent servis. Pendant ce temps, le modiste et son équipe travaillaient avec précision sur la robe, ajustant l’ourlet et vérifiant chaque détail pour un rendu parfait.
Trente minutes plus tard, le modiste revint avec la robe soigneusement ajustée. « Voilà, Mlle Emma. La perfection, comme promis. »
Emma enfila la robe une dernière fois et se tourna vers Alice. Les ajustements avaient sublimé le design déjà spectaculaire. « Alors, qu’en penses-tu ? »
« Tu es magnifique, Emma, » répondit Alice avec sincérité.
Satisfaites, les deux sœurs quittèrent la boutique. À l’extérieur, une calèche les attendait pour les ramener au manoir de Vauclair.
Alice et Emma montèrent dans le véhicule, leurs robes bruissant doucement contre les coussins de velours. Tandis que la calèche démarrait, Emma se tourna vers sa sœur, l’air songeur.
« Tu sais, Alice, parfois je me demande comment tu arrives à garder ton sang-froid face à toutes ces attentes… à tout ce que mère attend de nous. »
Alice posa une main réconfortante sur celle de sa sœur. « Ce n’est pas toujours facile, mais tu dois apprendre à faire des choix pour toi-même, Emma. Aujourd’hui, tu as pris une décision qui te représente, et c’est tout ce qui compte. »
Emma lui offrit un sourire sincère. « Merci d’être là pour moi. Je ne sais pas comment je ferais sans toi. »
Les chevaux ralentirent à mesure qu’ils approchaient du manoir de Vauclair. Ses imposantes façades blanches se dessinaient au loin, entourées des vastes jardins où les préparatifs pour le prochain événement semblaient déjà en cours. Les domestiques allaient et venaient, transportant des fleurs, des décorations et des tables.
Alice observa les lieux, son cœur partagé entre appréhension et espoir. Ce manoir, avec son opulence et son histoire, était autant une cage dorée qu’un refuge. Elle serra doucement la main d’Emma avant que la calèche ne s’arrête devant l’entrée principale.
Alice monta les escaliers du manoir, son cœur battant à l'idée de devoir annoncer à sa mère que la robe d'Emma était prête pour le bal de demain soir. Elle s'arrêta un instant dans le hall, hésitant, avant de se tourner vers une domestique qui passait près d’elle.
« Excuse moi, peux-tu me dire où se trouve mère ? »
La domestique lui répondit avec un sourire. « Mme discute avec M. dans le bureau, Mlle. »
Alice acquiesça d’un mouvement de tête, remerciant la domestique avant de se diriger vers le bureau de ses parents. Lorsqu’elle arriva devant la porte, elle hésita un instant, prenant une profonde inspiration. Puis, avant d’ouvrir, elle tendit l’oreille, intriguée par des bruits de voix à l’intérieur.
Elle reconnut celle de sa mère, mais la conversation qui suivit la fit frissonner.
« ... Il ne faut pas que tu t’opposes encore à cela, Vincent. Nous n’avons pas d’autre choix. Le mariage des enfants Falkner est la seule option qui nous assure un avenir solide. »
La voix de son père répondit, plus basse, mais clairement teintée de frustration. « Tu veux vraiment que notre fille aînée se marie sans même lui en parler ? Tu connais bien Alice, elle n’acceptera pas une telle décision imposée. Elle mérite de choisir, de comprendre pourquoi elle doit épouser ce… ce Falkner ! »
La mère d’Alice répliqua avec fermeté : « Nous ne pouvons rien lui dire, tu le sais. C’est une condition des Falkner pour sceller ce mariage, et personne en dehors de nous n’en connaît la véritable raison. Tu as ton avis, mais il est trop tard pour revenir en arrière. Nous avons accepté leur offre et nous devons en assumer les conséquences. »
M. Vauclair répliqua :
Toi seule à donner l'accord mais moi je n'y est pas encore consenti.
Mme Vauclair ne répliqua pas tout de suite, figée un instant, avant de détourner le regard comme si elle pesait le poids de ses propres décisions.
Son souffle se coupa. Sa poitrine se serra si fort qu’elle crut suffoquer. L’air dans le couloir lui sembla soudain glacial, comme si chaque mot qu’elle venait d’entendre l’avait figée sur place. Ses mains tremblaient légèrement, mais elle les crispa contre sa robe pour se forcer à rester immobile.
Alice sentit une certitude s’ancrer en elle. Elle ne pouvait pas rester sans rien faire. Mais comment échapper à un destin déjà scellé ?