Ils terminèrent leur promenade dans un charmant café, niché au coin d’une ruelle pavée. L’endroit, chaleureux et décoré de lumières tamisées, leur offrit un moment de répit. Ils savourèrent des thés délicats accompagnés de pâtisseries fines, le doux parfum du chocolat et de la vanille emplissant l’air. L’ambiance était détendue, et Alice, assise parmi eux, commençait à se sentir plus à l’aise, presque comme un membre de la famille.
Alors qu’un silence confortable s’installait, Raphaël baissa les yeux vers Étoile, la chienne de la famille, couchée tranquillement à leurs pieds. Il rompit le silence d’une voix calme, teintée d’une légère curiosité.
« Je n’ai jamais vu Étoile s’attacher autant à quelqu’un en dehors de la famille, » dit-il, une pointe de sourire dans la voix. « Elle est incroyablement protectrice envers toi, Alice. Depuis qu’elle a eu ses chiots, elle ne laisse personne les approcher… sauf toi. »
Alice, surprise mais touchée, baissa les yeux vers Étoile. Elle tendit la main pour caresser doucement la tête de la chienne, son sourire illuminant son visage.
« Elle m’a beaucoup aidée… Elle est comme un ange gardien pour moi, » murmura-t-elle avec tendresse.
Raphaël observa cette scène, une étincelle de respect brillant dans son regard.
« Peut-être qu’elle voit quelque chose en toi que nous, humains, avons encore du mal à percevoir, » répondit-il, son ton à la fois sincère et intrigué.
Alice sentit ses joues s’empourprer, mais cette fois, elle accueillit cette chaleur avec gratitude, sans chercher à détourner le sujet. Pour la première fois depuis longtemps, elle se sentait véritablement acceptée et entourée. Elle jeta un regard vers Camille et Mme Lemoine, qui lui sourirent chaleureusement, renforçant ce sentiment d’appartenance.
Étoile, comme pour souligner ce moment, posa sa tête contre les genoux d’Alice, dans un geste de confiance absolue. Alice comprit alors que cette famille et ce lien naissant, aussi fragile soit-il encore, étaient peut-être exactement ce dont elle avait besoin pour avancer.
« Tu sais, » reprit Raphaël, son ton devenu plus pensif, « Étoile n’a jamais eu un tel comportement avec quelqu’un d’autre. C’est comme si elle avait reconnu en toi quelque chose de particulier… »
Mme Lemoine, qui avait écouté attentivement, haussa légèrement les sourcils.
« C’est vrai, » dit-elle doucement. « Étoile a toujours été très sélective, mais avec toi, Alice, elle semble avoir ce lien particulier. Il y a quelque chose d’étrange dans la manière dont elle te protège. C’est comme si… elle te connaissait déjà. »
Un léger silence s’installa à nouveau, avant que Mme Lemoine n’intervienne d’une voix douce, mais chargée d’une émotion discrète.
« Il y a une histoire à propos d’Étoile et de cette protection qu’elle te porte, Alice, » dit-elle en souriant légèrement, comme se souvenant d’un temps lointain. « Ce n’est pas la première fois qu’elle réagit de cette manière envers une personne. »
Alice tourna la tête, intriguée. « Qu’est-ce que vous voulez dire ? » demanda-t-elle, cherchant des réponses dans les yeux bienveillants de Mme Lemoine.
Raphaël, qui semblait vouloir laisser la parole à sa mère, baissa les yeux. « C’est une vieille histoire, » répondit-il, « mais je me souviens encore du jour où Étoile a réagi si violemment. C’était après qu’une jeune fille se soit interposée pour protéger Étoile, justement, d’une situation dangereuse. »
« C’était il y a quelques années, » commença Mme Lemoine en se souvenant, « Raphaël avait à peine seize ans à l’époque. Une jeune fille s’est interposée entre Étoile et un groupe d’hommes qui voulaient l’attraper. Nous sommes arrivés à ce moment-là, juste après avoir entendu les aboiements d’Étoile et des voix d’hommes. La jeune fille, sans hésiter, a protégé Étoile, se mettant entre elle et les intrus. »
Alice, captivée par l’histoire, se pencha un peu plus en avant. « Une femme agressive ? » murmura-t-elle, les souvenirs lointains commençant à s’agiter dans son esprit.
Mme Lemoine poursuivit, n’ayant pas entendu le murmure d’Alice. « Une dame est arrivée presque en courant, avec une expression agressive… »
Alice, instinctivement, prit la parole, son regard devenu plus lointain, comme si les souvenirs remontaient d’eux-mêmes. « Elle m’a crié dessus, et la chienne que je venais de protéger s’est interposée, aboyant furieusement après la femme. »
Raphaël, écoutant attentivement, intervint doucement. « Tu as caressé Étoile, et elle s’est calmée. Tu lui as dit que c’était ta mère, tout en la rassurant, et puis tu es repartie avec elle. »
Alice, en entendant ces mots, sentit un frisson parcourir son dos. Elle se souvenait de ce moment confus et effrayant, mais les pièces du puzzle commençaient à se rassembler lentement, même si une partie de l’histoire lui échappait encore.
Alors qu’Alice restait plongée dans ses souvenirs, une légère crispation se dessina sur son visage. Ses mains tremblaient légèrement, comme si une vague d’anxiété montait en elle.
Camille, attentive à son état, remarqua immédiatement les signes avant-coureurs. Sans hésiter, elle s’approcha d’Alice et posa doucement sa main sur son épaule. « Alice, respire profondément, » dit-elle d’une voix calme mais ferme, en guidant sa respiration. « Tu n’es pas seule. »
Le geste de Camille sembla avoir un effet immédiat. Alice, qui avait été sur le point de se perdre dans la montée de panique, se concentra sur la main de Camille qui la soutenait, la calma et la ramène à l’instant présent. Elle inspira profondément, et la tension dans son corps se dissipa peu à peu.
Raphaël, qui avait observé la scène, échangea un regard plein de reconnaissance avec Camille. Alice, enfin, se sentit apaisée, ses pensées se clarifiant lentement. Elle se tourna vers Camille, un léger sourire reconnaissant sur les lèvres. « Merci... » murmura-t-elle, avant de reprendre son souffle.
Mme Lemoine, qui avait aussi observé attentivement, se détendit à la vue de la réaction d’Alice. Le moment de tension passa aussi vite qu’il était venu, et la conversation reprit dans un silence plus serein.
Lorsque l’heure de rentrer au manoir arriva, ils montèrent dans une calèche confortable, Étoile bondissant gracieusement à l’intérieur pour se coucher aux pieds d’Alice. Le rythme paisible des sabots résonnait dans l’air frais du soir. La conversation se faisait plus rare, laissant place à un silence doux et complice.
Soudain, Raphaël leva légèrement la main pour demander au cocher d’arrêter.
« Nous avons encore un peu de temps avant de rentrer, » dit-il en se tournant vers Alice. « Je voudrais te montrer quelque chose. Et cela permettra aussi à Étoile de se dégourdir les pattes. »
Intriguée, Alice échangea un regard curieux avec Camille et Mme Lemoine, qui sourirent doucement.
« Va, chérie, » lança Mme Lemoine. « Nous ne sommes pas pressées. »
Raphaël aida Alice à descendre, suivi de Camille et de leur mère. Ils avancèrent ensemble sur un petit sentier qui s’ouvrait sur un lac scintillant. Le soleil couchant projetait des reflets dorés sur l’eau, et le rivage était entouré de fleurs sauvages d’un éclat saisissant. Quelques cygnes glissaient paisiblement à la surface, ajoutant une touche de grâce à ce tableau presque irréel.
Alice resta figée, émerveillée.
« C’est… c’est magnifique, » murmura-t-elle, incapable de détourner les yeux.
Raphaël sourit en silence, satisfait de sa réaction.
« Je viens ici souvent quand j’ai besoin de réfléchir, » expliqua-t-il doucement. « Mais je pensais que tu apprécierais cet endroit autant que moi. »
Étoile, quant à elle, trottinait joyeusement le long du rivage, s’arrêtant de temps en temps pour renifler les fleurs.
Camille et Mme Lemoine, en retrait, les observaient avec une certaine tendresse.
« Il a bien fait de l’amener ici, » chuchota Camille à sa mère. « C’est un endroit parfait pour apaiser l’esprit. »
« Oui, » répondit Mme Lemoine avec un sourire. « Je crois que Raphaël commence à comprendre combien Alice est spéciale. »
Pendant ce temps, Alice s’agenouilla près de l’eau, regardant les cygnes de plus près. Raphaël s’accroupit à côté d’elle, leur proximité légère mais naturelle.
« Merci, Raphaël, » dit-elle finalement. « Pour tout. Pas seulement pour cet endroit, mais… pour tout ce que tu fais pour moi. »
Il croisa son regard, sérieux mais doux.
« Tu n’as pas à me remercier, Alice. Tu mérites bien plus que ce que je pourrais jamais offrir. »
Un silence chargé de sens s’installa entre eux, brisé seulement par le doux clapotis de l’eau et les murmures du vent dans les fleurs. Ce moment fugace semblait suspendu dans le temps, gravé dans la mémoire d’Alice comme un précieux souvenir.