Alice jouait dans les jardins, entourée d'Étoile et de ses chiots. Elle les caressait, les faisait courir, et se laissait emporter par leur énergie joyeuse. Les éclats de rire de la jeune femme se mêlaient aux aboiements des animaux, créant une scène empreinte de légèreté. À l'autre bout du jardin, Camille et sa mère, installées confortablement sur la terrasse, sirotaient leur thé en discutant des derniers événements. Le soleil baignait le jardin d’une lumière douce et chaleureuse, ajoutant à la sérénité du moment.
Mais soudain, une calèche entra dans l’allée, et un jeune homme en descendit. Il marchait d'un pas déterminé, mais s'arrêta net en entendant les bruits d’aboiements provenant du jardin. Intrigué, il tourna son regard vers la scène et aperçut la silhouette d'une jeune femme, seule parmi les chiens. Il se demanda qui elle était et ce qu'elle faisait là. Cette scène ne lui semblait pas ordinaire, et il ressentit un besoin pressant d’en savoir plus. Il scruta l'ensemble du jardin, notant le contraste entre l'agitation des animaux et la tranquillité de la maison. L’atmosphère, jusque-là paisible, était soudainement perturbée par sa présence.
Il se dirigea donc vers le jardin, sans se presser, mais avec une certaine autorité dans sa démarche. Arrivant derrière Alice, il s'arrêta un instant, observant les jeux innocents des chiots avant de prendre la parole d’une voix glaciale, presque mesquine :
« Qui êtes-vous ? Et qui vous a permis de jouer avec ces chiens ? »
Le ton froid et tranchant de ses paroles fit sursauter Alice. Elle se retourna brusquement, le visage marqué par la surprise et la peur, avant de s'effondrer en arrière, poussant un cri de terreur. Ses jambes tremblaient sous l'effet de la peur, et elle se retrouva à terre, l'air complètement désemparé. Ses yeux cherchaient désespérément un repère, et elle se sentit désemparée, comme si l'air autour d'elle se faisait plus lourd.
Le cri brisa la quiétude du jardin, attirant immédiatement l’attention de Mme Lemoine et de Camille, qui accoururent, alarmées, pour comprendre ce qui s’était passé. Mais avant qu’elles n’atteignent Alice, un aboiement puissant déchira l’air. Étoile, la chienne, s’élança soudainement entre eux, la fourrure hérissée et les babines retroussées dans un grondement menaçant. Elle se plaça devant Alice, formant une barrière protectrice face à Raphaël.
Étoile fixait Raphaël avec un regard déterminé, prête à défendre la jeune femme. Les chiots, quant à eux, s'étaient regroupés autour d'Alice, apportant un peu de réconfort à sa fragilité. Le regard de Raphaël se posa un instant sur la chienne, et un souvenir, lointain, refit surface dans son esprit. Il avait vu Étoile réagir de la sorte une seule fois auparavant, avec une agressivité aussi protectrice. Ce souvenir étrange, celui d’une jeune fille qui s’était interposée courageusement entre la chienne et un homme menaçant, le troubla. Un éclair de doute traversa son esprit : et si cette jeune fille et la femme devant lui aujourd’hui n’étaient qu’une seule et même personne ? Il chassa rapidement cette pensée de son esprit, se sentant gêné par la direction que prenaient ses pensées. Il n’y prêta pas plus attention, trop concentré sur le comportement étrange de la chienne et de la jeune femme qu’elle protégeait.
Camille arriva alors près d’Alice, se précipitant pour la soutenir, et Mme Lemoine s’avança également, jetant un regard réprobateur à son fils. Alice, tremblante et désorientée, était entourée de chiots et d'Étoile, qui continuait de fixer Raphaël. Elle murmura à peine, ses mains serrées autour des chiots comme pour se raccrocher à une dernière source de sécurité.
« Alice, tout va bien, je suis là… Respire doucement, tu es en sécurité… Je ne te laisserai pas seule. »
En se redressant légèrement, Camille lança un regard ferme et accusateur à son frère, Raphaël, dont l’expression froide et distante contrastait fortement avec la panique d’Alice. Pourtant, il répéta, presque sans émotion :
« Qui est-elle ? Et qui lui a permis de jouer avec les chiens ? »
Avant que Camille ne puisse répondre, Mme Lemoine, qui s’était avancée d’un pas décidé, coupa court à la tension avec une voix autoritaire mais calme :
« Raphaël ! Ce n’est pas ainsi qu’on s’adresse à notre invitée. Regarde-la, tu lui fais peur. Fais preuve de plus de délicatesse. »
Raphaël fronça légèrement les sourcils, mais il ne répondit rien. Son regard passa brièvement de sa mère à Alice, toujours tremblante, puis il détourna les yeux, sentant l'atmosphère s’alourdir autour de lui.
La domestique, observant la scène depuis la terrasse, comprit instinctivement qu’elle devait intervenir. Elle se hâta de rejoindre Camille et, ensemble, elles aidèrent Alice à se relever. La jeune femme vacillait encore, mais leurs bras soutenants lui permirent de se diriger lentement vers une chaise sur la terrasse. Une fois assise, Alice se recroquevilla légèrement, les mains posées sur ses genoux, comme si elle cherchait à se protéger du monde autour d’elle.
Mme Lemoine posa une main apaisante sur l’épaule de son fils.
« Viens, Raphaël. Donne-lui de l’espace. Laisse-la se calmer, et je vais tout t’expliquer. »
Raphaël hocha la tête, visiblement agacé mais curieux. Il s’éloigna avec sa mère, jetant un dernier coup d’œil à Alice, toujours entourée des chiots et de la chienne.
Une fois à distance, Mme Lemoine prit une grande inspiration avant de se tourner vers son fils.
« Raphaël, cette jeune femme a traversé des épreuves difficiles. Elle a été retrouvée seule, dans un état terrible, et nous l’avons accueillie par compassion. Elle a besoin de sécurité, pas de suspicion. Je t’en prie, montre-toi patient avec elle. »
Raphaël resta silencieux un instant, ses pensées visiblement troublées. Il hocha lentement la tête, même si ses traits restaient fermés. Tandis qu’ils continuaient leur échange, sur la terrasse, Camille et la domestique s'efforçaient d’apaiser Alice, lui offrant un thé et des paroles rassurantes pour l’aider à se remettre de cette rencontre brutale.
Après avoir expliqué la situation à son fils, Mme Lemoine conclut d’un ton ferme mais bienveillant :
« Si tu veux davantage d’informations, rends-toi directement dans le bureau de ton père. Il pourra te fournir des détails supplémentaires. »
Raphaël, toujours intrigué, acquiesça avant de répondre :
« Très bien, mère, mais je tiens à vous parler de quelque chose qui pourrait peut-être concerner notre invitée, si je déduis bien de ce que vous venez de m’expliquer. »
Intriguée à son tour, Mme Lemoine décida de l’accompagner. Ils prirent donc la direction du bureau de M. Lemoine, laissant derrière eux le calme revenu du jardin.
Pendant ce temps, sur la terrasse, Camille et la domestique s’efforçaient de calmer Alice. La jeune femme restait troublée, mais l’intervention inattendue d’Étoile, la chienne, attira son attention. Avec une tendresse instinctive, Étoile déposa l’un de ses chiots devant Alice, avant de pousser doucement les autres vers elle. Il était évident qu’elle cherchait à consoler la jeune femme.
Alice baissa les yeux vers Espoir, le chiot qu’elle avait elle-même nommé, et le prit délicatement dans ses bras. Le contact chaud et rassurant de l’animal, ainsi que l’affection silencieuse d’Étoile, l’apaisèrent peu à peu. Les tremblements d’Alice cessèrent, et une légère lueur d’apaisement revint dans son regard.
Après un moment de silence, Alice releva les yeux vers Camille et murmura, hésitante :
« Je suis désolée si j’ai offensé cet homme en jouant avec les chiens… Sa voix, si glaciale, m’a rappelé un instant terrible… le moment où j’ai chuté de la cascade. »
Camille secoua doucement la tête, posant une main réconfortante sur celle d’Alice. Tout en lui répondant d’une voix douce, une question s’imposa dans son esprit : « Comment la voix glaciale de mon frère a-t-elle pu lui rappeler sa chute ? Il faut que j’en parle à père ! »
« Tu n’as pas à t’excuser, Alice. Ce n’est pas de ta faute. Mon frère n’aurait jamais dû te parler sur ce ton. Il a toujours été… un peu abrupt. Mais je veillerai à ce qu’il ne te traite plus ainsi. »
Alice hocha timidement la tête, resserrant un peu plus Espoir contre elle. L’attention des chiens et la chaleur des mots de Camille la ramenaient doucement vers un sentiment de sécurité.
Camille, remarquant qu’Alice semblait encore fragile malgré la présence apaisante des chiots, se tourna vers la domestique avec douceur mais fermeté :
« Veuillez raccompagner Alice dans sa chambre. Laissez Étoile et ses chiots rester avec elle, leur présence l’aidera à se calmer complètement. »
La domestique acquiesça, aidant Alice à se lever tout en veillant à ce qu’elle garde Espoir dans ses bras. Avant de partir, Camille posa une main légère sur l’épaule d’Alice et lui adressa un sourire réconfortant.
« Ne t’inquiète pas, Alice. Je vais parler à mon frère, et je te promets qu’il viendra s’excuser pour t’avoir effrayée. »
Alice hocha timidement la tête, rassurée par la promesse de Camille. Pendant ce temps, Camille se redressa, déterminée, et quitta la terrasse pour se diriger vers le bureau de son père. Une part d’elle restait troublée par ce que venait de dire Alice. « Je dois éclaircir tout ça… Peut-être que père aura les réponses. »