PDV Tylor
Désespéré, je regarde mon fils, puis mon meilleur ami et enfin, le quatrième enfant de la famille royale.
En colère, Alxas fait les cents pas devant son bureau. Sur le point de fondre en larmes, Nao est assis sur le canapé face à son père. Ne sachant pas s'il doit intervenir, Alwan est aux côtés du prince. Tous les deux se tiennent la main sous les regards meurtriers du roi.
Alxas finit par détacher son regard de mon fils aîné pour se tourner vers moi. Les bras croisés, il se tient debout et immobile. De grandes cernes violacé sous les yeux et le visage marqué par la colère et l'inquiétude lui donne un coup de vieux. A cet instant précis, il semble avoir pris une dizaine d'années.
– Tylor... dit-il d'une voix forte.
Je me détache du meuble sur lequel j'étais adossé pour faire quelques pas en avant. Les mains en l'air comme signe d'innocence, je prends la parole.
– Je ne dirai rien !
Je sens plusieurs regards sur moi, et aussitôt je commence à regretter d'avoir donné mon avis. Les yeux verts de mon fils croisent les miens. Son regard me déstabilise à cause de sa ressemblance avec sa défunte mère.
Je prends une grande inspiration, place mes mains dans mes poches, il et me lance :
– Laisse-les, ils sont jeunes...
– Ils n'ont pas le droit...
– Tu connais ton fils. Il est comme toi. Tu connais parfaitement Alwan. Tu savais bien qu'à un moment donné ils allaient finir par enfreindre les règles... Rends toi à l'évidence, ils ne sont plus des enfants.
L'instant de quelques millièmes de secondes que dure le silence me semble infiniment long.
– Si tu ne me laisses pas être avec lui... je pars, annonce soudainement Nao.
Alxas qui me regardait se tourne vers son fils. Silencieux et étonné de ses paroles, il ne réagit pas tout de suite.
– Je retournerai à mes activités illégales... je... je quitterai le continent... menace Nao.
Mon ami s'avance de quelques pas vers son fils. Une énergie emplie d'un profond désir de protection se diffuse dans toute la pièce. Alxas aussi, perds le contrôle, et sa colère se fait pleinement reconnaître.
A mon tour, je me dirige vers mon vieil ami et pose une main sur son épaule. Je me tourne vers les deux jeunes adultes et je m'adresse à eux.
– Partez, je m'en occupe.
Aussitôt, Nao se lève et quitte la pièce. Alwan le suit sans pour au temps lui lâcher la main.
La porte du bureau se referme, et je m'éloigne d'Alxas. Près de la commode, je me sers un verre d'eau que je finis d'une traite.
Longuement, dans le silence de la pièce, je cherche mes mots. Après avoir écarté tous les doutes qui viennent semer le trouble dans mon esprit, j'ouvre la bouche, et enfin, je me lance :
– Ils me font penser à nous lorsqu'on était plus jeune...
Je me décolle de la commode et je la longe. Les doigts sur le meuble, je m'arrête au niveau d'une fissure sur le bois. Un sourire me parvient aux lèvres en me remémorant l'origine de ce défaut.
– Mais entre eux et nous, il y a une différence. Contrairement à nous, quelqu'un les comprend...
Je regarde la photo de famille de mon ami. Celle-ci date d'il y a un peu plus d'une trentaine d'années. Alxas avait près d'une vingtaine d'années. La photo avait été prise quelques mois avant son couronnement.
Je tourne le visage vers Alxas. Celui-ci, de ses yeux gris, me regarde avec intensité.
– Et les mentalités évoluent... continuai-je.
Je m'éloigne du meuble et m'approche d'Alxas. Lentement, je me dirige vers lui.
– Nous ne sommes pas comme nos parents, Alxas...
Il à les pupilles rivés sur le portrait de famille. Les mains tremblantes, il ne s'en détache pas. Les larmes commencent à lui monter aux yeux. Sur sa peau claire, je vois une larme descendre le long de sa joue.
Désormais face à lui, je pose un doigt sur sa mâchoire et l'oblige à pivoter sa tête pour me regarder dans les yeux.
– Nous ne sommes pas nos parents, nous sommes nous ... murmurai-je.
Les yeux humides, Alxas me regarde avec tristesse. Ses iris me détaillent longuement mon regard.
– Ne faisons pas les mêmes erreurs que nos parents... Ne soyons pas comme eux... Laissons les... Ils sont majeurs et responsables. Ils sont conscients de leurs actes, et de tout ce que ça engendre.
Je sens les mains de mon amant se poser sur mes hanches. Doucement, il approche sa tête de mon torse et pose son front contre ma clavicule.
– Tu n'accepte pas le fait qu'il grandit ? le questionnais-je.
Après un temps de réflexion, Alex hoche doucement la tête.
– Je.... Je vais essayer de... les laisser...
✩
– Non finalement...
Les bras croisés, Alxas tente de s'enfuir de la salle, mais je le retient en posant ma main sur son épaule.
– N'essaye pas de fuir tes responsabilités.
Le visage tourné vers moi, il me regarde longuement avant de soupirer. Il fait demi- tour, revient sur ses pas et se dirige vers le canapé. Affalé dessus, il ferme les yeux. A mon tour, je me dirige vers le meuble et m'assois sur l'accoudoir.
– Oubli ce que je viens de dire, répète Alxas.
– Si tu veux quand même...
– Je sais, me coupe brusquement l'homme que j'aime.
Je vois sa mâchoire se contracter. Puis, il semble se calmer.
– Merci, souffle t-il plus calmement.
Ses iris gris me regardent alors qu'Alxas se lève. Il attrape mes lèvres avec les siennes et m'embrasse rapidement. Lorsque je reprends conscience de ce qu'il vient de se passer, il est déjà installé à son bureau, face à son ordinateur.
A mon tour, je prends place sur la chaise qui se trouve face à mon ami. J'allume mon ordi portable et commence à lire le dossier en rapport avec notre prochaine réunion qui a lieu dans une vingtaine de minutes.
J'ai mon propre bureau. Mais depuis quelques temps maintenant, afin d'éviter de faire de multiples aller retour entre le mien et celui du roi, j'ai établi quartier dans celui de mon ami.
Les nombreuses pages défilent sous mes yeux. Les rétines asséchées, je retire mes lunettes et me frotte les yeux. Alxas le remarque, et sort de son tiroir un petit flacon qu'il me donne.
– Éviter la sécheresse oculaire, c'est pas agréable et encore moins géniale.
J'ouvre le flacon, lève la tête et verse quelques gouttes sur mes rétines.
– Dit surtout que tu tiens à mes beaux yeux, lançai-je sous le ton de l'humour.
– Des beaux yeux bleus comme les tiens, on en voit peu.
Je baisse la tête vers Alxas. A travers les gouttes qui rendent ma vision flou, je parviens à distinguer le sourire qu'il affiche.
– Et puis, si mon bras droit perd la vue, c'est plus qu'embêtant, ajoute t-il avec sérieux.