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JBDelroen
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Chapitre 7.3

— Qu’est-ce qu’il se passe ?

Ma voix n’était plus qu’un murmure rauque. Je déglutis avec difficulté.

— On a retrouvé Sara.

L’annonce me fit l’effet d’un couperet. Le temps s’arrêta. Mon effroi et ma stupeur devaient être bien visibles sur mon visage, car Ruben se retourna vers moi d’un air concerné.

— Micaiah ? Tout va bien ?

Complètement vidée de toute substance, je l’ignorai dans un premier temps. Me gorge était trop sèche pour dire quoi que ce soit, que ce soit au téléphone ou au client devant moi. Difficilement, je déglutis et me fis violence pour sortir quelques mots.

— Je… c’est possible de la voir ?

Le silence au bout du fil me parut une éternité avant que la voix profonde de mon compagnon Ebed ne le brise.

— Je viens te chercher.

— Merci.

Je ne pouvais y croire. Pas tant que je n’aurai vu Sara de mes yeux. Ça ne pouvait pas être réel. Ça devait être un cauchemar dont j’allais me réveiller d’une minute à l’autre. Telle une somnambule, je raccrochai sans rien ajouter.

— Micaiah ?

Ah oui. Ruben.

Ses iris marron derrière ses verres donnaient l’impression d’une chaleur bienveillante. Ses lèvres semblaient essayer de s’étirer en un sourire rassurant. Je le regardais sans parvenir à m'agripper à ses pupilles, les miennes errant sur tout ce qui nous entourait, tentant de fuir le trou noir intersidéral qui menaçait de m’engloutir.

— Micaiah ?

Il posa sa main sur mon poignet et cela me fit sursauter, mon téléphone glissant de mes mains. Mes lèvres s’ouvrirent, lâchant les mots haïs.

— Ils ont retrouvé Sara.

Ce n’était qu’un murmure qui s’échappait de ma gorge, comme si je partageais ce dernier souffle avec mon amie.

— C’est une bonne nouvelle, non ? me demanda Ruben d’un ton indulgent. N’est-ce pas ?

Je secouai la tête. Les paroles d’Ishmail étaient trop brutes pour ne pas être funestes, comme le bois avant d’être taillé finement.

— Je ne crois pas…, m’étranglai-je. Je crois… je crois que c’est fini…

Les larmes me piquaient les yeux, menaçant d’inonder mon visage. La boule dans ma gorge prenait des allures de ballon de rugby, m’empêchant de respirer correctement. L’horreur de mes mots rendait cette vérité bien trop tangible. D’un coup, je voulais revenir en arrière, dans l’incertitude, pouvoir m’imaginer Sara en train de rire quelque part sur Terre. Mes mains se posèrent sur mes joues, les yeux écarquillés. Je sentais une Noah tapie au fond de mon crâne commencer à me susurrer à l’oreille d’arrêter d’être si lâche et d’affronter la réalité en face. Que ce n’était qu’une mort de plus, après la plus horrible des morts dans cet Univers.

— Fini ? murmura Ruben. Sa voix émit un léger tremblotement. Tu es sûre ? Qu’a dit Nasrim ?

— Juste… qu’ils l’ont retrouvée. Il vient me chercher. Je veux la voir.

Tout se mélangeait.

Pouvais-je escompter un bon dénouement ? Mais l’intonation d’Ishmail était tellement morbide qu’il n’appelait au moindre espoir.

Alerté par notre conversation, Juan nous rejoignit dans un silence humble, posant la main doucement sur mon épaule, compatissant.

— Michokoh, ne t’en fais pas pour ici, on s’occupe de tout. D’accord ?

Ses grands yeux noirs me scrutaient, et il remit affectueusement une mèche volage derrière mon oreille. Puis, il m’enlaça, me faisant un câlin. J’enfouis mon nez dans sa chemise, reprenant ma respiration, m’imprégnant de son odeur rassurante, même si je ne sentais plus rien suite au trop-plein d’eau de Cologne de Ruben. Ne serait-ce que l’action de humer son être était réconfortante, tout autant que plonger la tête dans les roses. J’avais quelqu’un avec moi qui me soutenait. Quelqu’un qui prenait soin de moi. Quelqu’un pour qui je comptais. Ses bras étaient tel un cocon protecteur. Juan savait tant quand j’avais besoin de contact pour revenir à la vie de nouveau. Mes mains l’enlacèrent en retour et je ravalai mon hoquet.

— Tu veux prendre une pause dans l’arrière-salle ? me demanda-t-il d’un ton concerné. Je finis de servir ton admirateur, d’accord ?

Je secouai la tête.

— Non, je vais terminer.

Je reniflai, aspirant une grande bouffée d’air, et doucement quittant l’étreinte rassurante. Ma main essuya piteusement une larme qui roulait.

— Tu sais qu’avec Marco, on est là à toute heure si jamais, mm ?

J’opinai.

— Merci Juan. Et je sais, oui. Merci encore.

Et mon sourire sur les lèvres était sincère. Juste de savoir qu’il veillait sur moi était déjà d’un grand soutien. Je n’étais pas seule face à cette tragédie mortuaire.

— Je vais poursuivre le service jusqu’à ce qu’Ishmail arrive, ça m’évitera de trop gamberger.

— Ah ! On va enfin voir à quoi ressemble ce fameux Ishmail ! Marco et moi, on te donnera notre avis !

Il termina sa phrase par un clin d’œil, autant pour alléger l’atmosphère que pour continuer à me détendre. Je finis par émettre également un gloussement.

— N’hésite pas, je serai tout ouïe pour les critiques négatives !

Le cœur un peu plus léger, je me retournai de nouveau vers Ruben.

— Désolée de t’avoir fait patienter. Est-ce que tu veux toujours quelque chose ? murmurai-je.

La nouvelle avait pu lui couper l’appétit. Sara était sa collègue à lui aussi.

— Je t’en prie, Micaiah. C’est normal. Il écarta mon accès d’émotions d’un geste de la main avant de poursuivre : je vais te prendre cinq donuts double chocolat. Je n’ai pas le cœur à manger des muffins finalement.

— Je te sers ça tout de suite.

Je m’armai de ma pince à gâteaux et lui préparai sa boîte. D’un regard en coin, je le vis essuyer discrètement ses lunettes avec son t-shirt. Ses doigts étaient crispés et je devinai les muscles de ses bras complètement tendus. Lui non plus n’était pas dans son assiette.

— Merci pour ton achat.

— Je t’en prie, fit-il. Je redoute un peu d’aller au boulot cet après-midi au bout du compte.

Je ne pouvais que compatir. Tout le Centre du Parc allait être en émoi. Sara était appréciée de tous.

— J’espère que ça ira.

On en était aux platitudes. En même temps, qui savait réagir dans de telles circonstances ? Le beau visage de Ruben s’était assombri. Ses lèvres pincées devenaient exsangues sous l’effet de la pression et il me prit son paquet très lentement, comme s’il était au bord de l’explosion et se contrôlait. Sara ne m’avait jamais parlé de lui. Mais, peut-être éprouvait-il des sentiments plus profonds et que pour lui, elle n’était pas qu’une simple collègue ? Les amours non réciproques existaient plus souvent qu’on ne le pensait.

— De même, Micaiah. Et n’hésite pas à me le dire, si Nasrim t’embête.

Il me fit un pâle sourire avant de se retourner, quittant la chaleur bienfaisante du magasin. La cloche tinta quand la porte se referma derrière lui, comme si la vie venait de clore un chapitre insouciant pour partir vers de plus sombres récits. Je me secouai, tentant d’évacuer ces pensées, m’autorisant à caresser les pétales des fleurs près de la caisse en vague réconfort. Il me restait bien une heure avant que mon compatriote n'arrive pour me chercher. Je m’attelai donc à servir les clients tout en essayant d’éviter de songer au futur, à ce qui allait se passer, à ce qui m’attendait, à ce que je craignais de voir.

Quand le parfum de la menthe sauvage imprégna l’atmosphère, accompagné du bruit cristallin de la clochette, j'appris deux choses : le Grand Méchant Loup était là et mon odorat était revenu. Je ne relevai pas la tête, restant concentrée sur la boîte à remplir consciencieusement. Le fait qu’il soit ici rendait la réalité vraie. Je ne savais toujours pas si je parviendrais à l’encaisser.

Juan, quant à lui, ne me laissa guère le temps de me composer. Il me fila un joli coup de coude dans les côtes.

— Je crois que ton chauffeur est arrivé, Michokoh ! Tu ne m’avais pas dit qu’il avait d’aussi grandes et belles épaules !

Il ne prit même pas la peine de baisser la voix, se moquant qu’Ishmail entende ces compliments !

— Si seulement elles n’étaient pas équivalentes à sa capacité à énerver, nous serions sauvés, maugréai-je.

— Allez, mon petit chocolat, va chercher tes affaires. Tu seras au moins bien accompagnée et… épaulée.

C’était bien le cas de le dire ! J'acquiesçai silencieusement, ne relevant pas le trait d’esprit de mon patron, faisant un signe de tête à Ishmail pour qu’il me suive dans l’arrière-boutique. J’y déposai mon tablier sans l’attendre. Son musc voletait dans l’atmosphère qui m’environnait, me signifiant qu’il n’était pas très loin derrière. J'attrapais lentement mon blouson, mon écharpe et mon bonnet, redoutant ce qui allait se passer.

Je l’entendis s’arrêter tandis que je m’habillais et je le devinai en train de croiser les bras, s’appuyant contre le chambranle. Une fois parée, je me retournai vers lui, aspirant de nouveau profondément.

— Je suis prête. Allons voir Sara.

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