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JBDelroen
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Chapitre 16.3

Je me balançai d’un pied sur l’autre, incertaine de ce que je devais faire, et me sentant toute inutile à présent que les autorités compétentes récupéraient l’affaire. Mes émotions s’avéraient compliquées à démêler. Je ne m’étais pas attendue à ressentir ce tiraillement dans ma poitrine, ce manque qui se faisait de plus en plus béant, tel un trou noir qui menaçait de m’aspirer. Est-ce que tous les Solitaires ressentaient ça avant de basculer dans la folie ?

Ishmail me donna une tape dans le dos.

— Allez, viens, Lockwood, on va prévenir tout le monde et fermer le Centre. Tu as fait ce qu’il fallait.

Je hochai la tête, incertaine. De ne pas pouvoir aller plus loin, devoir attendre que d’autres fassent le job pour chercher la réponse ne me convenait absolument pas. Mais je ne pouvais pas enfiler un uniforme de la police juste pour satisfaire mes besoins, et j’allais devoir rester frustrée.

« Tu veux un peu d’aide pour passer le temps ? » me demanda ma jumelle.

Son ton narquois me disait qu’elle avait déjà une idée derrière la tête et qui n’allait pas me plaire. Elle aimait bien faire ça. Me contrarier, m'agacer, comme seules les sœurs savent le faire.

« Nous n’avons jamais eu les mêmes loisirs, Noah », l'informai-je, me marmonnant à moi-même tout en commençant à suivre Ishmail pour dégager du Centre.

« Et pourtant, tu pourrais apprécier mes divertissements avec un si beau dos musclé, non ? » me taquina-t-elle.

Perturbée par sa suggestion, je posai mes yeux sur la silhouette qui marchait devant moi, ne pouvant m’empêcher de remarquer la chemise verte qui se tendait sur les larges épaules. Je secouai la tête pour me débarrasser de ces idées.

« Tu racontes n’importe quoi ! »

« Bien sûr que non, tu n’écoutes pas assez ton corps pour le ressentir. Je le sais, puisque je suis à l’intérieur de toi ! »

J’allais résolument lui répondre quand une main prit farouchement la mienne, coupant nette la conversation avec ma jumelle. Je relevai le regard, rencontrant ces yeux lie-de-vin cherchant la moindre petite trace de sanité dans le mien.

— Reste avec nous, Lockwood, murmura-t-il. Ancre-toi dans la réalité.

Ses lèvres déposaient ces mots au creux de mon oreille, son épaule toute proche de la mienne. Je sentais son souffle sur mon cou et j’eus un frisson qui n’avait plus rien à voir avec l’angoisse ou la peur. Le contact physique était important pour les Ebeds, et mon cortex eut un regain de puissance. Je l’entendais presque chanter. Toutefois, je n’avais pas éprouvé ces ondes bienfaisantes quand Ishmail et Duchesne interagissaient ensemble. Enfin, si. Je les avais perçues, mais de loin seulement. Je n’en avais été que spectatrice. J’étais exclue du groupe, car je n’en faisais pas partie. Pourtant, avec lui uniquement, mon âme revenait à la vie. Me voilais-je la face comme me le suggérait Noah ? Je déglutis tandis que je sentais l’esprit de ma sœur effleurer ma conscience, mais elle disparut d’un coup alors que deux bras m’enlacèrent et mon visage atterrit sur le torse musculeux de mon compatriote. Son musc puissant m’enveloppa et les vibrations qu’il émettait faisaient palpiter son abdomen.

— Reste avec moi, Micaiah, souffla-t-il.

Imaginais-je ces mots ? Je soupirai, apaisée et fermai les yeux, savourant ce doux cocon familier. Malgré moi, mes cordes vocales s’accordèrent aux siennes, et mes effluves d’aubépine chassèrent les derniers relents de rose pour s’entremêler à la menthe sauvage si caractéristique de mon compagnon. Sous ma peau, les vibrations continuèrent à palpiter avec les miennes, et ses battements de cœur marquaient un rythme millénaire, lénifiant. À mesure que je réagissais à ses demandes, les muscles de ses bras se détendirent, me relâchant délicatement, une fois qu’il fut sûr que j’étais bien moi.

Il fit un pas en arrière, m’observant, une main caressant mes pommettes tout en remettant une mèche rebelle échappée du chignon désordonné derrière mon oreille. Un sourire vint étirer ses lèvres et je ne pus que sentir une chaleur s’emparer de mes joues. Ishmail ressemblait tant ainsi à l’adolescent avec qui j’avais passé cet été-là à réparer cette vieille bagnole. Toujours caustique, mais avec ce regard brillant et ces lèvres heureuses pour adoucir ses paroles. Un adolescent qui n’avait pas encore été frappé par les épreuves de la vie pour l’endurcir. Mon cœur se mit à battre furieusement dans ma poitrine, alors que sa main poursuivait son chemin jusqu’à atteindre l’élastique de ma coiffure pour l’enlever. Mes mèches emprisonnées s’éparpillèrent en voile autour de mon visage, retrouvant leur volonté propre. Ses doigts s’enfoncèrent dans mes boucles, les caressant lentement et il poussa un soupir satisfait.

— C’est la crinière qui te va le mieux.

Et il posa son front contre le mien, closant les yeux. Et mes paupières se fermèrent à leur tour, ma main s’accrochant à sa chemise, grognant doucement mon bien-être.

Nous demeurâmes ainsi cinq minutes, ou peut-être dix, peu importe. Mais finalement, notre petite bulle éclata et la réalité revint à nous.

Je ne pus qu’opiner, tout en restant légèrement rouge. Je regardai à droite et à gauche, encore un peu intimidée par ce que nous venions de vivre ensemble. Et c’est à cet instant précis que j’aperçus une tête brune à lunettes dans un coin du centre, la mâchoire crispée qui nous observait tous les deux. Tout le corps de Ruben criait la contrariété, et je ne pus que rester bouche bée, ahurie.

— Allons-y.

La voix d’Ishmail me rappela que nous avions des choses à faire et mes pupilles revinrent à lui, pressant sa main qu’il avait encore dans la mienne pour nous diriger vers le bureau d’un bon pas. Perturbée par ce que j’avais aperçu, je jetai de nouveau un coup d’œil par-dessus mon épaule. Ruben avait disparu. Avais-je eu une hallucination ?

Je le sortis de mon esprit. Tant pis. Les éclaircissements seraient pour plus tard. Ruben était en vie après tout, contrairement à Sara. Et je ne voulais pas que son repos attende plus longtemps.

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