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1 - Interlude
2 - Chapitre 1.1
3 - Chapitre 1.2
4 - Chapitre 1.3
5 - Chapitre 2.1
6 - Chapitre 2.2
7 - Chapitre 2.3
8 - Interlude
9 - Chapitre 3.1
10 - Chapitre 3.2
11 - Chapitre 3.3
12 - Chapitre 3.4
13 - Chapitre 3.5
14 - Interlude
15 - Chapitre 4.1
16 - Chapitre 4.2
17 - Chapitre 4.3
18 - Chapitre 4.4
19 - Chapitre 5.1
20 - Chapitre 5.2
21 - Chapitre 5.3
22 - Interlude
23 - Chapitre 6.1
24 - Chapitre 6.2
25 - Chapitre 7.1
26 - Chapitre 7.2
27 - Chapitre 7.3
28 - Chapitre 7.4
29 - Chapitre 7.5
30 - Interlude
31 - Chapitre 8.1
32 - Chapitre 8.2
33 - Chapitre 8.3
34 - Chapitre 8.4
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Chapitre 2.3

Oh ! Je respirai à nouveau. Bien sûr ! C’est Sara qui lui avait parlé de moi, s’il avait apprécié le muffin. C’était même peut-être le collègue qu’elle mentionnait ce matin ! Je me relâchai, un chouïa.

— Il vous a plu alors ?

— Beaucoup ! répondit-il avec un petit rire dans la gorge. Je voulais savoir s’il vous en restait quelques-uns.

— Oh, oui ! Bien sûr ! Combien en voulez-vous ?

— Cinq, ce serait parfait, merci beaucoup !

Je me morigénai intérieurement. Secoue-toi, Micaiah ! Tout va bien !

J'attrapai la pince, et remplis le sac en papier des derniers gâteaux de la journée. J’eus l’impression d’être plus maladroite que d’habitude. Être prise ainsi au dépourvu dans ma petite routine ne me convenait pas. Ne pas avoir le contrôle entier de mon corps non plus.

— Joli tatouage, me fit remarquer ledit collègue avec un sourire. Qu’est-ce que c’est ? Des violettes ?

Il était vrai que ma manchette ne passait pas inaperçue vu qu’elle recouvrait totalement mon bras et débordait sur ma gorge et ma main. Je gardais mon rictus plaqué, restant professionnelle jusqu’au bout.

— Non, ce sont des roses et des aubépines.

— Oh ! Des roses ! Les épines et tout ?

— Oui, les épines surtout.

Ouf ! La dernière pâtisserie avait rejoint ses congénères. Je tordis en un geste fait maintes et maintes fois pour fermer la poche puis, je lui tendis, mon sourire faux collé au visage, sans laisser paraître ma gêne.

— Et voici ! N’hésitez pas à les passer quelques secondes au micro-ondes ou les réchauffer au four pour qu’ils soient plus fondants chez vous.

— Merci bien, ce sera parfait. Je pense que je vais devenir un véritable adepte !

Il m'avança un billet, que je pris, en veillant à ne pas effleurer sa main.

— Le Ruby’s Trail en sera ravi, fis-je mécaniquement en lui rendant sa monnaie.

Je laissai mes yeux errer sur le pull vert foncé du parc, n’osant les lever pour croiser son regard. La petite plaque dorée sur son torse attira mon attention. Son nom était inscrit dessus. « Ruben W. Hillson ». Évidemment, il s’en rendit compte et ne put s’empêcher de sourire en me taquinant.

— Il suffisait juste de me demander, vous savez. Et ce n’est que justice après tout, je connaissais votre prénom. Sara ne tarit pas d’éloges sur vous.

J'avais l'impression de rougir comme une gamine. Je me fis violence à l’intérieur.

— Eh bien, enchantée, Ruben.

— Enchanté, Micaiah. Et je vous dis à très bientôt !

Il prit son sac et partit tranquillement du Ruby’s Trail. Je me sentais pantelante de mon côté, et jetai un coup d’œil nerveux du côté de Gypsie. J’espérais qu’elle n’avait pas remarqué mon mal-être soudain. Je me mis à arranger la gerbe fleurie du Comptoir trop vivement pour que ce soit naturel, mais ça m’aidait à me calmer. Je ne humais plus leur parfum suave, cependant, je me le rappelai suffisamment pour faire tout comme. J’étais une véritable idiote à paniquer pour un rien. Le but de mes muffins était de plaire aux gens, quelle idée de trembler de peur parce qu’ils réussissaient leur mission !

Je pris une profonde inspiration, essayant de chasser les derniers reliquats de mon angoisse et me frottant les yeux. Non, mais vraiment ! Quelle imbécile ! L’odeur d’eau de Cologne restait en suspension dans les airs, ne cessant de me rappeler ma bêtise et je commençai à ranger le comptoir pour me vider la tête. La cloche tinta de nouveau, et je vis la lourde silhouette de Monsieur Bill ouvrir la porte. Sa collation ! J’avais complètement oublié !

Je me dépêchai de faire couler un café, murmurant tout bas une excuse à Gypsie que je venais de presser dans son nettoyage et entrepris de trouver la pâtisserie préférée de notre client, un brownie fondant aux noisettes. Monsieur Bill s’installa dans l'angle, près de la fenêtre, le dos au mur. Ainsi, il pouvait voir toute la pièce, sans que personne ne puisse le surprendre par derrière et pas très loin du poêle ronflant pour réchauffer ses os. Nous avions beau être fin mars et officiellement au début du printemps, il faisait toujours froid plus longtemps qu’à Missoula, les tas de neige s’amoncelaient encore dans les coins de rues dégagées. Je ne pouvais que le comprendre. Je ravalai mes derniers relents d’inquiétude, appliquai mon plus charmant sourire sur mon visage et lui apportai sa collation.

— Et voici pour vous Monsieur Bill !

— Merci mon petit. Alors, comment se porte le Ruby’s Trail ? demanda-t-il poliment.

Bon, autant glisser un mot pour Gypsie.

— Tout va bien ici. Vous savez comment les choses se passent lentement dans notre ville bien calme. Mais nous avons une petite nouvelle qui s’appelle Gypsie. Elle apprend le métier et se débrouille très bien !

— Oh, je vois que Juan n’a pas tardé à trouver un nouveau projet à présent que tu as pris ton indépendance.

J’émis un modeste rire. Cette conversation me ramenait dans des terres plus connues, que je savais arpenter.

— On peut dire ça. Mais la différence, c’est que Gypsie a sa propre chambre au Ruby’s Trail, pas très loin de la vôtre d’ailleurs. Juan n’a plus besoin d’héberger qui que ce soit chez lui. Il a fait ça peu avant son arrivée. J’imagine qu’il avait l’intuition qu’il allait venir en aide à quelqu’un. Et vous ? Vous avez prévu de faire votre pèlerinage rituel à la Tender Inn ?

La Tender Inn était une attraction locale. Située à quelques kilomètres sur la route entre Reefton et le parc du Wuruhi, elle attirait les curieux à cause de son histoire macabre. Une famille d’aubergistes appâtait les voyageurs fourbus et les tuait pour les dépouiller et également pour se repaître de leur chair pour les faire disparaître. Le toit commençait à s’effondrer et les murs restaient à peine debout, mais, grâce aux explications, on pouvait se déplacer et s’asseoir à l’endroit même où le pauvre aventurier finissait égorgé. Vu l’isolement du lieu, leur manège ne dura pas moins d’une décennie. Entre ça et le cimetière amérindien découvert dans une des mines d’or dont on disait qu’il était à l’origine de malédictions, il y avait de quoi se coller le frisson et vivre de grandes péripéties tout seul et à moindre coût.

— Pas tout de suite. J’ai quelques rendez-vous à honorer dans le coin, raison pour laquelle je reste plus longtemps que d’habitude.

Il se rassit plus confortablement sur sa chaise et but une lampée du liquide encore brûlant. Je l’entendis déglutir, comme appréciant le breuvage.

— J’espère que tout se passera bien pour vous alors.

— Rien de bien inquiétant mon petit, certains sont de vieux amis avec lesquels je chassais dans ma prime jeunesse.

— Oh ? Vous chassiez ?

— Et je le fais toujours, de temps en temps. Bien que je ne sois plus aussi doué qu’avant.

Un rictus ironique déforma son visage, mécontent de lui-même ou furieux contre les affres du temps.

— Je fais nettement plus de bruit en me déplaçant, poursuivit-il. Et les animaux qui ont l’habitude d’être chassés ont plus que le temps d’être prévenus. Toujours sur le qui-vive, grommela-t-il.

— Ah, je vois, répondis-je, trop consciente d’être moi-même sur le qui-vive constamment.

Je fis la grimace intérieurement. Se rendre compte qu’on avait le même comportement qu’une proie n’était jamais plaisant.

— Mais ne te préoccupe pas d’un homme qui n’aime pas se voir vieillir, fit-il en mordant dans le brownie avec gourmandise.

Bon, à mon avis, ce n’était pas qu’à cause de l’âge que Monsieur Bill avait plus de mal à se mouvoir en silence dans les bois, mais je gardais sagement mes réflexions pour moi-même. Je jetai un œil sur la pendule, vingt heures trente approchaient. Juan allait encore me gronder.

— Je vais devoir vous laisser Monsieur Bill. Il va falloir que je prépare la fermeture. S’il y a besoin de quelque chose, Gypsie est là.

— Je t’en prie mon petit, répondit-il gentiment.

Je le saluai de la tête et passai une dernière fois derrière le Comptoir pour verrouiller la caisse, et éteignis les lumières de la devanture, après avoir tourné l’écriteau sur « fermé » au niveau de la porte. Lorsque Monsieur Bill se sera retiré dans sa chambre se trouvant dans le bâtiment à côté, je fermerai définitivement la boutique. C’était une petite faveur que nous lui permettions, surtout après être arrivé si tard. De toute façon, je devais d’abord nettoyer toute la cuisine avant de poursuivre avec la salle. Monsieur Bill aurait bien le temps de terminer sa collation.

Le travail fut comme souvent long, mais très satisfaisant. Et comme prévu, Monsieur Bill était parti se coucher son repas fini. Je fermai derrière moi, puis passai du côté des chambres à louer et remontai le corridor sans fin où se trouvait également celle de Gypsie. Doucement, je toquai à la porte. Elle s’entrebâilla, une petite chaîne l’empêchant de s’ouvrir complètement. J’aperçus le regard méfiant de ma jeune collègue. Un comportement de proie aussi. La peur dictait encore le moindre de ses faits et gestes. Peut-être qu’un jour, elle s’en libérerait. Je l’espérai. Je n’avais toujours pas réussi dans mon cas. Cette remarque sur les proies m’avait bien plus touchée que je ne pensais. Trop proche de la vérité si laide.

— Je m’en vais, Gypsie, j’ai fermé la boutique. Voici les clés. (Je lui passai à travers le mince espace, je ne lui demanderai jamais d’ouvrir son sanctuaire et son refuge pour moi). Je serai là demain vers dix heures.

— Ça roule, Micaiah, repose-toi bien, fit-elle en prenant le trousseau. Après un dernier salut, elle referma sa porte, qu’elle verrouilla à double tour.

Mes affaires sur le dos, je ne pus m’empêcher de frissonner en marchant dans la nuit fraîche. Une proie. Toujours sur le qui-vive. Et cette sensation étrange qui m’envahissait, comme me sentant observée. Je ralentis le pas, essayant de me concentrer sur mes sens. Ils avaient fini par revenir après trois longues heures de silence et de nez bouché. Par là, un bruit de circulation, et peut-être l’odeur nauséabonde des pots d’échappement qui restait en suspension dans les airs. Rien d’anormal. Je secouai la tête. C’était moi qui étais parano, pas Gypsie ! Aucun Ebed n’allait s’en prendre à moi, plus maintenant. Je me tenais bien trop loin d’eux.

J’avais l’impression de me mentir. Une boule se coinça dans ma gorge. Je savais très bien que les prédateurs étaient attirés comme des papillons par les proies qui se sentaient pourchassées. Contrôlées par la peur, la peur menant leur vie. Je serrai le poing et accélérai le pas, m’empêchant de courir pour retrouver mon abri.

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