PDV Matthew
Trois heures du matin à Milan. Selon mes souvenirs, mon amie ne dort pas encore. Je compose son numéro et m'assois dans le canapé, une coupe de vin tournant entre les doigts. J'ai appris de nombreuses choses à propos du démon, à l'église, mais j'ai besoin des conseils d'une professionnelle. Et Valentina est une véritable encyclopédie dans le domaine.
― C'est l'heure à laquelle tu me faisais l'amour, amore mio (ital: mon amour). Je te manque ?
Je laisse échapper un petit rire en entendant son ton séducteur.
― Valentina, mi tesoro (mon trésor), comment se déroule ta séance ?
― Je viens de finir, grâce à toi.
― Milles excuses, mia bella (ma belle).
― Menteur, répond-elle, un sourire dans la voix. Dis-moi plutôt pourquoi tu m'appelles, Matteo.
Je pose ma coupe sur la table en verre.
― J'ai envoyé un démon marquer quelqu'un, mais celui qui a répondu est plus puissant que prévu. A l'époque, quand je pratiquais pour m'en prendre aux prêtres, c'étaient des entités classiques qui répondaient. Mais celui-là... c'est pas n'importe qui.
― Tu as trouvé la personne que tu cherchais ?
― Oui. J'ai scellé le pacte en demandant à ce qu'il marque son corps d'un signe du diable.
― Et la marque s'est effacée ensuite ?
― Non. La cicatrice lui fait même très mal et tétanise sa jambe par moments. Les démons entrent rarement en conflit avec les vampires, je ne comprends pas ce que j'ai manqué.
― La marque, c'est un mot ? Un dessin ?
― Un serpent.
Elle laisse passer un court silence.
― Un démon aux yeux blancs et aux cheveux longs ?
― De ce que j'ai vu, oui.
― Ozrun, murmure-t-elle. Démon illusionniste. Un être profondément sadique qui aime torturer les gens en les manipulant. Si tu n'as rien vu, c'est parce qu'il s'est fait passer pour une entité lambda quand il t'a abordé. De puissants sorciers et exorcistes vampires se sont déjà faits prendre dans ses filets. Pour mettre fin au pacte et que la marque disparaisse, il faut en passer par une vérité douloureuse.
― Je sens que ça va me plaire, grimacé-je. Tu peux développer ?
― Toi seul connais cette vérité. Le démon a vu en toi quelque chose qui l'intéressait, c'est pour ça qu'il a répondu à ton appel. Est-ce que tu caches quelque chose à cette personne ?
Je glisse les doigts dans mes cheveux d'un geste nerveux.
― Ahem, oui, ma vraie nature. C'est... un prêtre chasseur.
― Un prêtre ? Pourquoi tu ne l'as pas éliminé tout de suite ?
― Parce que...
Je m'éclaircis la voix.
― Je suis très attaché à lui.
Après quelques secondes, sans grande surprise, elle éclate de rire.
― Mon Dieu, ne me dis pas que tu es tombé amoureux d'un prêtre ? Oh, amore, pardon mais c'est trop drôle. Je comprends mieux pourquoi Ozrun t'a répondu, il doit se régaler avec toi.
Je grommèle dans ma barbe.
― Bon, en gros, j'ai pas d'autre choix que de lui avouer ? Mais s'il apprend ma nature, tout sera foutu entre nous...
― Ce démon est le sadisme incarné, les mensonges sont du pain béni pour lui. Il ne partira pas jusqu'à ce que ton cher prêtre sache qui tu es réellement. Désolée de briser tes rêves.
Je m'enfonce dans le dossier du canapé, dépité.
― Un seul mensonge ne brisera pas un véritable amour, Matteo. Garde confiance.
Et que fait-on quand l'autre ne nous aime pas ?
― Merci de ton aide, Valentina.
Je raccroche dans un faux sourire, en réponse à ses encouragements, mais mes espoirs sont en miettes. Moi, avec mon CV de tueur d'hommes d'église long comme le bras, séduire un prêtre solitaire et chasseur de vampires que j'ai déjà blessé par mes erreurs. Le tableau n'aurait pas pu être pire.