Loading...
Link copied
Loading...
Loading...
Mark all as read
You have no notification
Original
Fanfiction
Trending tags

Log In

or
@
June_Stephen
Share the book

Chapitre 38.2

Nous retrouvons l'ambiance exaltée et exaltante de la foule, comme si ce moment dans les toilettes n'avait jamais eu lieu. Nous restons concentrés sur la suite, attentifs à l'agitation autour de nous. 

Malheureusement, le temps s'écoule et l'annonce prend du retard. Raven et Langlois feront bientôt leur tour dans les jardins. De ce que j'ai compris, ils iront boire et se nourrir dans un salon privé après leur sortie, Matthew doit donc les garder à l'œil. Entre la salle de réception, la grande partie des salons, les cuisines, les extérieurs et les zones encore inconnues, cet endroit est immense.

― Ça va être l'heure, Matthew.

― Maintenant ? Tu es sûr ?

― Oui. Dans quelques minutes ils seront dehors, s'ils ne le sont pas déjà. Si jamais je les manque aux jardins, je dois pouvoir les retrouver. Tu vas les surveiller pour moi.

Je sais qu'obéir à cet ordre lui coûte beaucoup.

― OK. Mais s'il y a le moindre problème...

― On reste en contact, discrètement. Il n'y a pas de caméras dans la salle, mais les gardes sont aux aguets.

Matthew me dévisage d'un regard froissé, puis s'oblige à me quitter à contrecœur. Avoir un partenaire sur place est d'un plus grand soutien que je ne l'imaginais. La situation est très instable, ce soir. 

Au bout de quelques minutes, la musique diminue puis finit par s'arrêter. Tout le monde se braque vers la scène. Un organisateur à la chevelure corbeau, enduite d'une couche de gel, apparaît dans un costume de gala. Les gens poussent des exclamations ravies.

― Chers convives, vampires et humains, nous avons l'immense honneur de vous présenter notre tant attendu nouveau produit : l'Oniria !

La foule applaudit. L'Oniria... Une femme en robe rouge s'approche du présentateur avec un flacon en forme de sablier d'une intense couleur violine. Lorsque les applaudissements cessent, il brandit l'objet devant nous.

― Ceci est notre bénédiction, très chers amis. Sans violence ni contrainte, nous avons enfin le moyen de boire le sang d'un corps jusqu'à la dernière goutte !

Pardon ? Les gens échangent des regards perplexes.

― Avec l'Oniria, l'humain est pris d'une envie viscérale et incontrôlable de se faire mordre. A chaque gorgée qui retire le sang de son corps, le plaisir le submerge jusqu'à sombrer dans l'inconscience et... ne jamais en revenir, selon si vous avez une grosse faim, déclare-t-il dans un rire taquin. Sans goût ni odeur, seulement vingt-cinq centilitres et vous boirez cinq litres de sang chaud tout en l'envoyant à son dernier septième ciel, de son plein grès !

Le choc me soulève l'estomac. La clef pour commettre des meurtres en masse, sans aucune brutalité. Le temps que Scotland Yard réalise la situation et soit forcé d'agir, ces vampires auront fait une hécatombe. 

Si ces derniers exultent dans l'assistance, les quelques humains présents, en revanche, sont reconnaissables à leur manque d'enthousiasme. Certains tentent de quitter les lieux en se faufilant en toute discrétion, mais la sécurité les arrête après quelques mètres. Je reste immobile, braqué sur la scène.

J'en ai désormais la certitude, aucun humain ne ressortira vivant de cette soirée.

― Mes amis, les injustices sont une histoire ancienne ! Finis les critères de beauté, d'âge et la puissance des charmes ! A présent, chaque vampire peut étancher sa soif et ses désirs à sa guise. N'est-ce pas merveilleux ?

Les vampires jubilent.

― Le meilleur restant pour la fin, nous sommes ravis de vous offrir les preuves de notre succès, dès ce soir, sur contribution de votre part, bien entendu, ajoute-t-il dans un large sourire. Nos volontaires sont déjà installés dans les salons et vous attendent.

La foule est euphorique. Je me sens comme un chevreuil au milieu d'une bande de fauves. Les gardes m'ont repéré, moi aussi, c'est certain. Je n'ai pas le temps de communiquer avec Adam qu'une main solide se referme déjà sur mon avant-bras. Un vampire trapu se tient derrière moi et m'incite à le suivre. La tension monte. 

Je pense à la dague que j'ai attachée à l'intérieur de ma botte, mais dans ma situation, entouré d'une salle entière de vampires sans scrupules, elle ne me serait d'aucune utilité. Pour le moment, mieux vaut le suivre pour ne pas attirer l'attention. Le plan reste inchangé, il doit juste évoluer.

Je franchis plusieurs portes et arrive dans une salle de repos ; celle de la sécurité, au vu des individus qui gisent avec leurs armes, sur les canapés. Un vampire s'avance vers moi, cigarette aux lèvres.

― Je ne suis pas le genre d'invité que vous pouvez malmener à votre guise, tenté-je sur un ton agacé. Je suis un investisseur important, vérifiez mon invitation et mon profil !

Il me dévisage quelques secondes, puis adresse un hochement de tête aux autres. Un garde m'arrache mon masque. Je recule, sur le qui-vive. Du calme. Restons calme. Je ne peux ni fuir ni combattre. Mes poignets sont liés de force avec des serre-câbles dans mon dos.

― Que faites-vous ? Ce traitement est honteux !

On me bâillonne et on me bande les yeux. Le noir est total. Voyons le positif, ils ne comptent pas me faire boire leur drogue – du moins, pas dans l'immédiat. La priorité est que Matthew garde Langlois et Raven sous surveillance. Après une telle prise de risque, je ne quitterai pas cet endroit sans les avoir éliminés. 

Les coudes agrippés par deux gardes, on me conduit dans un long couloir enfumé par la cigarette, puis je me retrouve à l'arrêt. Un groupe de vampires discute en français autour de moi, à voix trop basse pour que je ne comprenne le moindre mot. M'amènerait-on à Langlois ? 

On me bouscule et j'avance à l'aveugle. La voix forte de l'organisateur retentit soudain dans mes oreilles.

― Notre second cadeau de la soirée, mes amis...

Je suis projeté à genoux sur le sol. Le voile sur mes yeux se lève, la salle entière de vampires apparaît devant moi.

― Voici une perle rare. Un humain dont le sang est un nectar. Rien que pour vous, ce soir, nous offrons à la vente le père William de la paroisse Saint Edward !

Mon souffle se coupe. Le public est tout aussi choqué que moi. Je me braque sur le présentateur, qui m'adresse un sourire clownesque, tête penchée.

― A l'image du Christ, vous allez régler les dettes de vos prédécesseurs, mon père, me dit-il en dehors du micro. Réjouissez-vous, vous allez mourir en martyr aux yeux des vôtres.

Il me lance ces derniers mots sur un ton mesquin, puis brandit une fiole violette au grand bonheur de l'audience, à présent survoltée. Abasourdi, je tente de me relever, mais un vigile me maintient à genoux de force. 

L'animateur se promène autour de moi à pas lents, attisant la haine de l'audience à travers des récits douloureux et vieux comme le monde, dont je ne suis en rien responsable. Les cris des vampires deviennent des hurlements enragés et ils se pressent bientôt tous contre la scène, bien gardée par la sécurité. 

L'élégante extravagance n'est plus qu'un lointain souvenir. L'avidité et la haine ont rendu l'ambiance explosive. Ai-je encore une chance de m'en sortir vivant ? Le plan a dévié loin de sa trajectoire et l'étau se resserre dangereusement autour de moi. 

Mon menton retombe. Inutile de chercher celui qui m'a dénoncé, il est tout trouvé. Dès l'instant où il m'a vu avec Matthew, mon sort était scellé. Sa peur de mourir n'est visiblement pas aussi forte que sa jalousie. 

Je ferme les yeux et lève le nez vers la chaude lumière des projecteurs. Mon enfer est sur le point de débuter dans ce bal macabre.

― Mes amis, les enchères sont ouvertes !

Comment this paragraph

Comment

No comment yet