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June_Stephen
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Chapitre 41

PDV Matthew

Assis devant le lit, les doigts pétris sur mes genoux, je garde la tête basse. Je n'ose même pas le regarder. La culpabilité me ronge. Adam débarque dans ma chambre et me tend une seconde poche de sang pour la transfuser à William. Je l'accroche au pied de perfusion, la connecte au cathéter dans son coude, puis vérifie son pouls pour la énième fois.

― Tu es sûr de la qualité du sang ? demandé-je, soucieux. Après l'antipoison, il ne doit surtout pas faire de réaction allergique. Tu as vérifié le...

― Boucle-la !

Adam me tire à lui par la chemise, débordant de haine.

― C'est parce que j'ai besoin de toi, là, tout de suite, sinon je t'aurais déjà taillé en pièces ! Attends qu'il se réveille !

Je hoche la tête.

― Je comprends, ça devait arriver tôt ou tard.

J'entends ses dents grincer.

― Avoir souffert ne justifiera jamais de devenir un fils de pute ! Nous aussi, on a souffert, mais on a choisi de bosser du bon côté.

― Du bon côté ?

Je me dégage de sa prise dans un petit rire sarcastique.

― Je regrette ce que je lui ai fait endurer et la manière horrible dont il l'a appris. Je regrette un nombre de choses incalculable dans mon existence. Par contre, si tu crois qu'il y a un bon et un mauvais camp, tu te fourres le doigt dans l'œil, mon gars. Mais c'est pas à moi de t'apprendre la vie.

Son poing atterrit dans mon visage. J'essuie la fine gouttelette de sang au bord de ma lèvre endolorie. Il a un sacré crochet du droit. C'est vrai, j'aurais pu me taire, sur ce coup-là. Mais ce genre de discours manichéens me sortent par les yeux.

― Espèce de sombre connard, crache-t-il. T'as cru que j'étais un gosse à qui on doit apprendre ce qui est bien ou mal ?

― Au point où on en est, vas-y, explique-moi ta vision des choses.

Adam relève le menton et souffle du nez en serrant les poings.

― Toi et moi, on n'appartient pas au monde, vampire.

― Où est-ce que t'as rencontré William ?

Il baisse les yeux sur lui. Son regard s'adoucit en plongeant dans la nostalgie et ses mains se desserrent.

― Il venait tout juste de faire quinze ans, j'en avais vingt-cinq.

― Et vous étiez à la même école privée.

Il se braque sur moi et fronce les sourcils

― Qu'est-ce que tu sais, au juste ? J'peux pas croire que Will t'ait parlé de ça.

Je ris doucement et me rapproche du lit pour caresser ses beaux cheveux soyeux.

― C'est vrai. Il n'a donné aucune explication précise, comme d'habitude. En revanche, il m'a révélé son nom : William Taylor.

Adam en perd sa mâchoire. Je devine que cette information est la dernière que j'étais censé apprendre de la bouche de William. La nouvelle suffit à calmer Adam et capter son attention.

― Des « écoles », j'en ai vu de toutes sortes, ajouté-je. Des foyers, aussi. Tout comme toi, j'imagine.

― Il... il te l'a dit ? lance-t-il, effaré. Il t'a dit que...

― Pas besoin. Un gamin des rues sait en reconnaître un autre.

Estomaqué, il finit par s'asseoir à ma place sur la chaise et reste prostré.

― Cette école où on a été avec William, ça a été à la fois une bénédiction et une malédiction. Je crois que, même dans la rue, j'avais jamais autant été tabassé.

Il souffle du nez.

― Enfin bon, je leur ai quand même mis la misère à ces fils de chien.

Je lâche un petit rire.

― De son côté, Will, c'était tout l'inverse, reprend-il. Lui, il était docile. Beaucoup trop à mon goût. Ça m'horripilait. Voir un sale petit snobinard débarquer et jouer les chouchous... Rah ! Putain, j'ai voulu lui éclater la tête un sacré paquet d'fois. D'ailleurs, j'arrêtais pas de le bizuter au début. C'était pas joli. Enfin, tu vois, j'étais une tâche. Une grosse tâche qui s'battait avec tout le monde.

― C'est bien de le reconnaître, répliqué-je, un brin gouailleur.

Il m'envoie son coude dans la cuisse. Le con, il a de la force.

― Pis les semaines ont passé, continue-il. J'ai fini par comprendre que c'était pas de la docilité, mais une compétence extrême à la survie. Il apprenait aux autres comment éviter les coups – ça tombait pour un oui ou un non –, il se rebellait jamais, mais il était toujours là en renfort pour soulager des camarades. Même certains plus âgés venaient le voir pour des conseils. Les nouveaux arrivants l'adoraient. Surtout les jeunes. Mais sa capacité d'adaptation, sa résilience et son calme à toute épreuve passaient pour de la supériorité pour certains. Sans oublier que son mentor lui rendait visite et lui apportait des livres. Tout ça, ça plaisait pas aux profs. Encore moins à celui de combat. Ce type passait ses nerfs sur lui pour espérer le voir répondre et le punir.

Son expression devient grave.

― Je me souviendrai toujours de ce jour... C'était en décembre, une fin de journée glaciale. Il avait plu toute la semaine, le gazon était un champ de boue à moitié givré. Chaque fois qu'un élève fautait durant le cours, c'est William que le prof punissait avec des pompes et des coups de pieds dans les côtes. Quand il en a eu marre de son silence, il l'a déshabillé, mis en caleçon, il l'a jeté dehors sous le grésil et l'a obligé à tenir en planche dans la boue après avoir fait cent pompes pour le fatiguer. Ses cheveux dégoulinaient sur son visage, ses bras s'enfonçaient... il pouvait à peine respirer. Ce connard voulait le voir craquer devant tout le monde.

Je serre les dents. La suite du récit est aussi pénible pour Adam que pour moi.

― Ce fils de pute a plongé sa tête dans la boue et l'a maintenu comme ça en l'insultant. Les plus jeunes étaient effrayés et pleuraient.

La rage me retourne l'estomac. Ce mec, je jure de le retrouver et d'en faire mon affaire. Je m'assoie sur le lit et caresse la joue de William.

― Comment ça s'est terminé ?

― Avec mon pied dans les couilles du prof et deux semaines à l'isolement.

― Sérieux ?

Adam hausse les épaules comme si lui-même ignorait l'origine de ses actes. Je le dévisage, puis éclate de rire. Un petit sourire étire le coin de ses lèvres.

― A mon retour, malgré toutes les horreurs que je lui avais fait subir, William m'a offert ce que personne ne m'avait jamais offert.

― Un câlin ?

― Son amitié, bougonne-t-il. Tête de bite...

J'acquiesce, touché par cette histoire, mais peiné par les sévices que William et tant d'autres jeunes ont subi dans cet endroit.

― C'est donc ça leur manière de former des prêtres chasseurs. Et Leonard approuvait ça ?

Il me fixe, perplexe, et je cligne des paupières, sous-entendant « oui, je sais aussi pour Leonard ». Il soupire avec un air las.

― Ah, Leonard était tout pour William. Comment lui en vouloir ? Il l'a sauvé de McKenzie.

Je ne veux pas envisager le pire, mais après ce que j'ai appris ce soir...

― Bien sûr, il t'a pas parlé de ça, hein, se navre-t-il dans un rictus peiné. McKenzie, c'est le trafiquant de sang derrière le réseau de jeunes humains, celui pour lequel bossait Jenkins.

Ma gorge se noue. Je glisse mes doigts entre ceux de William pour les serrer fort.

― Le père de Will s'était endetté aux jeux en dilapidant l'héritage de sa femme, Charleen, m'explique Adam. Elle venait d'une famille très noble. Elle a demandé leur aide à ses parents, eux qui étaient riches, mais ils ont toujours détesté son mari et ont refusé catégoriquement – en même temps, l'bonhomme a rien fait pour s'faire aimer. Quand ils se sont retrouvés fauchés dans une toute petite barraque, la famille de Charleen a carrément coupé les ponts. Un soir que McKenzie est venu tabasser le père, il a remarqué William. Il avait tout juste six ans... McKenzie a proposé d'effacer toutes leurs dettes s'il lui cédait son fils et le père a... accepté.

Je manque de m'étrangler.

― C'est une blague ?!

― Charleen a refusé. Elle a insisté pour prendre sa place et a vendu son corps et son sang à McKenzie pendant des années.

Je ferme les yeux, soulagé, et retiens le « Dieu merci ! » qui me brûle les lèvres.

― Malheureusement, elle est tombée en grave dépression suite à tous les mauvais traitements qu'elle subissait pour protéger son fils, non désiré... précise-t-il sur un ton morne dans un douloureux rappel. Elle a fini par craquer et a quitté le domicile familial alors que William allait fêter ses quinze ans. Et elle s'est suicidée par overdose.

Je prends mon front dans ma main. C'est pas vrai...

― McKenzie est venu chercher William le lendemain de sa mort.

― Ne me dis pas qu'il l'a emmené, s'il te plaît, sifflé-je entre mes dents serrées en pétrissant la main de William.

― Leonard. Leonard l'en a empêché. Il a payé une fortune McKenzie pour récupérer Will et il est devenu son tuteur légal.

Je pousse un profond soupir de soulagement.

― Je l'admire de pas avoir sombré dans la haine des vampires, ajoute Adam, ou juste dans la haine tout court.

C'est vrai. Et tant de choses font sens, à présent. Son handicap émotionnel, cette atroce indifférence apparente, cette obsession à vouloir tout contrôler, ses névroses, sa méfiance envers la gent masculine et les vampires, ainsi que son manque de confiance en ce monde... Je ne lui demanderai jamais ce qu'il a vécu exactement dans sa jeunesse. Et même si je le faisais, je sais qu'il me mentirait. Je contemple son visage endormi avec une peine immense. Je pensais que son enfance avait été malheureuse, en réalité, il n'en a jamais eue. Savoir tout ça me donne encore plus envie de le protéger.

― Dis, vampire, avant de faire entrer Will dans les jardins, quand tu m'as prévenu que t'allais devoir dire des trucs horribles, tu savais qu'il t'en voudrait à mort. Pourquoi t'as tout balancé à ce moment-là ?

― Parce que je sais sauver les gens de cette ville compte plus que tout pour lui.

― Le rapport ?

― Le rapport c'est que des vampires millénaires comme Raven et Langlois sont capables de détecter les émotions sous toutes leurs nuances à une dizaine de mètres et que pendant mon entretien avec eux, je les ai sentis déjà méfiants. Pourtant, dis-toi que ma sœur est sortie avec celle de Raven et ils connaissaient bien ma réputation de tueur. T'imagines bien qu'un jeune humain qui essaie de les entuber, fatigué et drogué, quand bien même cet humain soit un génie, ils l'auraient grillé en dix secondes. On ne manipule pas aussi facilement des vampires aussi puissants. Il m'avait demandé de le livrer, je nous ai livrés tous les deux.

― Donc t'as sacrifié la confiance qu'il avait en toi pour pouvoir zigouiller ces deux-là ? s'étonne-t-il.

Je dévisage William avec une tendresse chagrine.

― Je sacrifié mes chances avec lui car son bonheur compte plus que le mien.

Mon doux prince. Un long silence retombe dans la chambre.

― T'sais, des fois, j'aimerais le savoir loin d'ici, se désole Adam. Heureux, avec une petite vie tranquille en campagne, en train d'apprendre le vélo à son môme. Un jour, peut-être...

J'acquiesce, aussi peu convaincant et convaincu que lui. Nous savons tous les deux que la seule chose qui arrêtera William c'est la mort. Adam décale la chaise face à moi et croise les bras.

― Bon, j'ai assez jacté, à toi. Balance les dossiers, fait-il en s'affalant sur l'assise.

― De quelle vie tu veux parler ? C'est ça la question. Sur les centaines que j'ai eues, tous les métiers, toutes les époques...

― Où a été le mal, dans toutes ces vies ?

Je croise les bras à mon tour et lève les yeux, pensif.

― Dans ces prêtres qui m'ont torturé quand j'étais gosse, dans cet évêque qui a cramé notre orphelinat, ceux qui ont tué tous mes proches – humains compris – seulement pour m'atteindre et assassiné de sang-froid la femme qui portait mon enfant. T'en veux d'autres ?

Sa bouche se fige dans un « ah » muet. Je pousse un bref soupir.

― Le monde est rempli d'extrêmes, fais-je avec un air lointain. J'ai vécu ces extrêmes sur les champs de bataille contre différents ennemis, dans les guerres pour tel ou tel roi sous couvert de la dignité d'un peuple, alors que l'égoïsme était le seul meurtrier. J'ai rencontré des êtres qui prônaient la paix et l'amour, mais tuaient en leur nom. J'ai connu toutes sortes de Dieux. Célestes ou terriens, obscurs ou lumineux...

― Et quelle leçon t'en as tiré ?

Je plonge un regard peiné dans le sien.

― Que l'innocence est la chose la chose la plus précieuse sur cette terre et que ce monde la ternit comme une fleur qui finit immanquablement par faner.

Adam me fixe avec des yeux ronds, puis détourne une moue affligée.

― Tu sais pourquoi j'peux pas t'encadrer, vampire ?

― Parce que j'ai fait du mal à William.

― Non. Ça c'est la réponse à pourquoi je vais t'exploser la gueule.

― Parce qu'on se ressemble plus que prévu alors que je suis un vampire ? répliqué-je dans un fin sourire.

Il siffle entre ses dents, dépité. Bonne réponse.

― M'enfin, contrairement à toi, le seul domaine où j'suis utile c'est pour traquer des gens devant un ordi. C'est pour ça qu'ils m'ont pris moi, pour gérer le côté tech du groupe.

― C'est déjà beaucoup.

― Arrête, j'suis sûr que t'as sauvé bien plus de gens que moi.

― J'en ai tué bien plus aussi.

― Rooh, ça va, monsieur humilité !

― Tu peux pas comparer cinq cent ans d'existence avec une petite trentaine d'années, monsieur mon père.

Il se lève en ronchonnant et fait quelques pas dans la chambre.

― Pourquoi m'avoir parlé de tout ça ? Le passé de William, je veux dire.

Il pose un regard très sérieux sur moi.

― Parce que son nom de famille... même à moi, il me l'a jamais dit lui-même. Je l'avais découvert en fouillant dans les dossiers des profs, mais il a toujours été tabou pour lui.

Je vois.

― Taylor, murmure-t-il, ce nom le renvoie à son passé. A l'identité qu'ils nous ont forcé à effacer et qu'il a oubliée pour pouvoir exister. Sa mère, son paternel... tout est lié à son nom. Il représente son jardin secret, mis sous clef et enterré. Le fait qu'il te l'ai dit de lui-même...

Il secoue la tête.

― William sait lire dans les gens comme dans les livres. S'il te l'a dit à toi et aussi vite, c'est qu'il estime que tu l'mérites. Pis bon, j'ai bien compris que t'étais pas qu'un connard fini, ce soir. T'as balancé les horreurs que tu lui as faites pour lui permettre de tuer ses cibles et le protéger.

Le mériter est un bien grand mot... Je baisse la tête.

― Pis moi aussi, j'ai été un enculé avec lui, poursuit-il en jetant une œillade coupable à William. A l'école ou dans la rue, j'ai été un salaud sans scrupules. Ce serait bien faux-cul d'ma part de dire que les gens peuvent pas changer. Surtout si lui-même t'a choisi.

Il se laisse tomber au bout du lit, à côté de moi.

― En fait, j't'ai détesté parce que peu de gens méritent l'affection de quelqu'un d'aussi droit et altruiste que lui. Enfin, surtout moi. Alors, quand je t'ai vu aussi proche de lui, toi, un putain d'vampire...

Un silence plane entre nous.

― L'amour n'est pas un prix à gagner, déclaré-je sur un ton bienveillant. C'est un sentiment qui nous transforme et nous redonne la lumière. Si l'amour m'a fait retrouver les valeurs que j'avais abandonné à la mort de ma femme, il éclairera ton chemin, toi aussi, et t'offrira le bonheur que tu n'as jamais connu.

Il baisse les yeux, les lèvres pincées et les mains serrées sur ses genoux.

― J'suis pas sûr d'être légitime de ce bonheur.

― Tout le monde fait des erreurs, Adam. Ne te condamne pas tout seul à l'enfer avant même d'avoir vécu. Tu es le seul maître de ta vie.

Il se tourne vers moi. Ses pupilles se mettent à scintiller. Son visage se referme et il se lève pour aller cacher son trop plein d'émotions dans le couloir, oubliant que ses sentiments sont un bouquet d'odeurs que je ne peux ignorer.

― Qu'est-ce qu'il fout chez moi, cet humain ? J'crois pas avoir commandé un gigolo.

Keira. Je bondis du lit et me précipite dans le couloir. Adam la toise, halluciné.

― Gigolo, moi ? Elle s'fout de ma gueule, celle-là ?

― Adam, voici ma grande sœur Keira. Keira, voici... un ami.

Adam me lance un œil de biais et acquiesce dans un grondement.

― Ah, j'ai compris, s'exclame-t-elle. Tu te tapes çui-là pour oublier ton prêtre.

Les yeux d'Adam s'agrandissent.

― Putain, elle veut perdre sa tête, la frangine ? Chu pas pédé, moi !

Elle éclate d'un rire moqueur, prête à surenchérir, mais perd son enthousiasme dès l'instant où elle aperçoit le pendentif sur son sweat.

― Une croix ? C'est une putain de croix ?! s'écrie-t-elle, la haine aux lèvres.

― La croix de ma p'tite sœur, rétorque Adam. Une sœur douce, aimable et gentille, pas comme toi, morue.

― Toi, j'vais t'virer à coups d'pompe dans l'fiac tu vas me sentir passer !

― C'est un collègue de William, déclaré-je. Il est prêtre.

Keira se décompose. Elle fige un regard exorbité sur Adam et s'approche de lui, menaçante.

― Espèce de sombre petite merde.

― Elle a quoi, la chauve-souris ?

― Elle a qu'elle va retirer ta sale tête de ton cou avec ses griffes !

― Ha, ha ! Laisse-moi te noyer dans l'eau bénite avant ça, grognasse.

― Adam, ça suffit... murmure une voix fébrile.

Nous nous retournons tous les trois sur William, torse nu, accoudé dans l'encadrement de la chambre et le porte-perfusion à côté de lui. Mon cœur s'emballe en une seconde. Son visage est affreusement pâle, je ne sais pas comment il fait pour tenir debout.

― Will ! s'exclame Adam en se précipitant vers lui. T'aurais pas dû te lever...

Keira me coule un regard meurtrier.

― Tu t'es retourné contre les tiens, petit frère ?

― Arrête avec ton stupide communautarisme racial. Tout ce qui compte pour moi, c'est la justice.

― La justice envers les humains, ouais.

― Non, envers tous, Keira ! Oui, j'ai aidé William à tuer Raven et Langlois, commencé-je sans lui laisser le temps de répondre. Tu sais ce que ces deux types s'apprêtaient à diffuser partout en Angleterre ? Une drogue qui incite les humains à se faire boire par des vampires jusqu'à leur mort ! C'est ça que tu voulais que je cautionne ? Des abus et des meurtres en masse sur les humains, femmes et enfants inclus ?

Elle reste muette de stupeur. Sa bouche se referme.

― Bien sûr que non, marmonne-t-elle. Encore moins sur les enfants...

― A ce sujet, d'ailleurs, vous vous entendriez bien tous les deux.

Je me tourne vers William et il nous fixe, ma sœur et moi, avant de se braquer sur Adam.

― Will...

De longues secondes, William garde un silence de plomb. Sans un mot, il repart dans la chambre et ferme la porte. Nous échangeons un air dépité avec Adam. A-t-il capté certains mots dans son sommeil ? La vérité devait éclater tôt ou tard. Lui-même le sait, je n'en doute pas.

― Pourquoi je m'entendrais bien avec ce sale curé ? reprend Keira en croisant les bras.

Cette insulte envers lui m'irrite. Quelqu'un d'autre aurait déjà mangé mon poing. Mais venant de ma sœur et connaissant ses raisons, je peux comprendre sa fureur. Autant lui expliquer.

― Toute sa jeunesse, William a été menacé par un vampire nommé McKenzie, à la tête d'un réseau infantile de prostitution et de sang. Sa mère est morte à cause de cette ordure en voulant le protéger.

L'expression de Keira change du tout au tout. Elle regarde la porte avec de grands yeux ronds et ne prononce plus un mot. Je sais que les enfants comptent plus que tout pour Keira. Elle m'a pris sous son aile lorsque j'étais jeune alors qu'elle n'avait que cinq ans de plus que moi et elle a fait de même avec tous les autres gamins de notre foyer jusqu'à en faire sa vocation, une fois adulte. S'il y a un point sur lequel les réunir tous les deux, c'est celui-ci. Elle se dirige vers la porte et l'ouvre.

― A-attends ! fais-je en la retenant par le bras.

― Mat, c'est bon.

Elle repousse ma main d'un geste ferme et entre dans la chambre en laissant la porte entrouverte. Nous nous postons discrètement dans l'encadrement avec Adam pour écouter leur conversation, inquiets.

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