Pour avoir les musiques et mieux visualiser les danses🎶, voici les titres (iconiques) par ordre d'apparition :
✨️The second Waltz - Dmitri Shostakovitch, André Rieu
https://www.youtube.com/watch?v=FfsbCBTAnAg&ab_channel=harisego
✨️Take the lead - Antonio Banderas, tango scene
(courte scène du film avec danse) : https://www.youtube.com/watch?v=6lAKlYTQVKY&ab_channel=AhmetVaroglu
Je donne rarement des chansons, mais là ça vaut le coup 😉
PDV Matthew
J'attrape deux coupes de champagne et en offre une à William pour nous fondre dans la masse. Ne pas connaître en détails le plan de ce soir me rend nerveux, mais je dois me plier à sa volonté. Après tout, « le génie a besoin de liberté pour vivre ». Moi, je ne suis que son gardien.
J'admire les costumes et les robes colorées qui nous entourent. Je n'aurais jamais cru qu'il y aurait tant d'exubérance et d'excentricité vestimentaires à ce bal. Personne n'égale pourtant l'élégance et le raffinement de William.
Je l'admire du coin de l'œil tandis qu'il sirote son champagne en analysant la salle, son chapeau maintenu dans le dos. Avec son aura de mystère, il est magnifique. Je n'avais jamais aimé un être aussi énigmatique et captivant à un si jeune âge, doté de cette indifférence que possèdent les anciens après une longue vie semée d'embûches.
Il ne lui manque plus qu'une couronne et moi à ses pieds, mon épée prête à le servir. Juste à le regarder, j'ai l'impression de faire un bond dans une autre époque ; une époque durant laquelle je me suis créé de beaux souvenirs...
― Tu sais que j'étais le professeur de langues du roi Georges IV, quand il était jeune ?
― Te connaissant, tu l'auras également familiarisé à un autre type de « langage », dit-il en observant toujours les invités d'un faux air distrait.
Sa moue taquine souligne le sous-entendu. Bon, c'est vrai. Je ne lui ai pas enseigné que le français et l'italien... La première musique de bal résonne dans la salle et nous nous écartons pour laisser la place aux duos de danseurs sur la piste, creusée à même la foule.
― Quand il a été en âge, nous avons abordé des sujets plus... profonds, fais-je en me rapprochant de son épaule.
― Notre bon roi tenait donc de toi son goût certain pour la débauche, conclut-il en buvant une gorgée de champagne. Tu as décidément un penchant pour la jeunesse noble, dis-moi.
― Je me confesse, mon père, lui susurré-je à l'oreille. Les beaux petits blonds bien éduqués sont mon péché mignon.
― Dis plutôt que tu aimes pervertir la pureté.
― J'adore ça.
Malgré son impassibilité, il tourne légèrement la tête sans me regarder, juste assez pour me laisser percevoir l'esquisse de son sourire. Je me glisse dans son dos et fourre le nez dans ses cheveux. Mon souffle chaud caresse son lobe.
― Mon père, vous devriez me châtier pour mes péchés avant que je ne vous salisse à nouveau...
Il garde le silence, amusé, boit une nouvelle gorgée, puis se détourne de moi avec une nonchalance provocante. Il aime me rendre fou de désir pour lui. Rester mystérieux mais, surtout, inaccessible. Je me mords la lèvre et remue les doigts, dévoré par l'envie de le toucher. Je serais capable de lui faire l'amour, ici et maintenant.
Je lui emboîte le pas lorsqu'une belle et jeune vampire au masque de panthère l'accoste et l'invite à danser. Il répond par un léger baise-main, repose son chapeau sur sa tête, et... entre sur la piste avec elle. La mâchoire m'en tombe. Avant d'entamer la valse avec les nouveaux couples, il m'adresse un petit clin d'œil. J'hallucine.
D'accord, il est maître dans l'art de m'allécher et de se rendre insaisissable, mais me pousser à la crise de jalousie avec cette fille, sérieusement ? Cette pimbêche glousse toutes les dix secondes devant lui pendant qu'il lui parle en toute sérénité. Pourquoi discutent-ils autant ?
A la fin de la musique, ils se saluent dans une révérence et il revient dans la foule tandis qu'elle part à l'opposé, toute pimpante, au milieu d'une nouvelle salve de danseurs. Je plisse les yeux sur lui. Bien sûr, il ne semble absolument pas concerné. Pire encore, il regarde de biais, en ma direction, mais m'ignore. C'en est trop pour moi.
Exaspéré, je bouscule les gens pour aller vers lui et le saisis par le bras.
― Tu t'amuses bien ?
― A vrai dire, je n'ai pas encore trouvé de cavalier à ma hauteur, répond-il avec paresse.
― Oh, vraiment ? Peut-être que tu ne regardes pas assez bien près de toi, articulé-je avec un rictus grinçant.
Il me cherche. Il me cherche et il va me trouver.
― Moi, je connais le partenaire idéal.
Quand l'orchestre entame la Seconde valse de Dmitri Shostakovitch, je l'entraîne sur la piste sans lui demander son avis et nous plante au milieu des autres couples de danseurs. Il hausse un sourcil vers moi avec un faux air étonné. Je suis sûr qu'il avait anticipé ma réaction et qu'il se réjouit de ma « coopération ».
― J'espère que tu sais danser mieux que ce que j'ai vu avec elle parce que je ne compte pas me taper la honte au milieu de mes semblables.
Son sourire s'élargit et il baisse les yeux, amusé. Nous démarrons tous en même temps dans une suite de pas gracieux, ma main gauche dans le haut de son dos et nos mains droites jointes.
― Que mon cher et tendre ne s'inquiète pas de son image parmi les siens, me répond-il, j'ai pris deux ou trois cours.
― Vraiment ? Et où ça ?
― Avec un professeur russe de grande renommée, dans une école privée.
Je le dévisage.
― C'est vrai ou c'est encore une histoire inventée ?
Il lâche un petit gloussement enjôleur et rapproche son corps du mien, sur le côté, alors que nos deux mains se lient et que nous tournons.
― C'est un secret, me souffle-t-il à l'oreille.
Je le dévore des yeux et il me fixe avec un sourire insondable. J'ai beau le provoquer, rien de ce que je fais ne l'atteint. Lui et moi savons qu'il brille sur la piste de danse et se fond à merveille dans cette foule de vampires multi-centenaires. Il est parfaitement conscient de ses charmes ainsi que de ses talents et c'est cette assurance à toute épreuve qui le fait resplendir.
― Tu me rends dingue. Et le pire, c'est que tu le sais.
Je le renverse légèrement et laisse mes yeux traîner sur ses lèvres aguicheuses avant de le relever et de reprendre la danse en cercle autour de la piste, à l'image des autres couples.
― Qu'est-ce que je dois faire pour te percer à jour, William Taylor ?
A son nom, ses yeux se referment sensiblement et son regard fait plus pénétrant. Il retire son chapeau dans un geste souple pour le maintenir dans son dos le temps que je le fasse tourner sur lui-même, puis le replace sur sa tête avec grâce et se rapproche de ma bouche en même temps que nos corps.
― Accepte de ne pas maîtriser la situation, Matthew Nightingall. Ou devrais-je plutôt dire, Lyssa...
Un tic nerveux pique ma joue. A-t-il appris la symbolique de ce nom ? La lueur perçante dans ses yeux ne laisse aucun doute.
― Ça ne te fait pas peur ?
― Quoi donc ?
― Ce que signifie Lyssa.
― Mmh, voyons voir... Déesse grecque de la folie, associée à la frénésie destructrice et à la fureur animale. Représente l'aspect le plus sombre et incontrôlable de la psyché humaine.
Je détourne un regard soucieux. Il se rapproche pour effleurer ma joue de la sienne.
― J'ai vu bien plus effrayant qu'une frénésie meurtrière dans ma jeunesse, mon amour.
― Qu'est-ce que tu as vu de pire que la rage sanguinaire d'un vampire ?
― L'horreur dans toute sa splendeur.
Je le fixe de longues secondes, scrutant l'éclat de tristesse imperceptible au fond de ses iris céladon. Je meurs d'envie de le questionner davantage, mais je respecterai sa pudeur à ce sujet. De toute manière, il ne me dirait pas la vérité. Il frôle ma bouche avec la sienne et coupe le fil de mes pensées par la seule caresse de son souffle chaud entre mes lèvres.
Mon esprit s'engourdit et un volcan s'allume en moi. Il n'y a plus de mission, plus d'assassinat, seulement lui et moi dans cette valse. Les violons reprennent de plus belle sur la dernière partie et je raffermis ma prise sur son corps pour l'entraîner à mon rythme. Il y a quand même une question à laquelle il n'échappera pas.
― Cette nana, tout à l'heure, c'était qui ? Tu sais qu'il y a des limites à...
― La fille de Langlois. Nous échangions des regards suggestifs depuis un bon moment, ça a plutôt bien fonctionné. Je sais maintenant qu'il se trouve avec Raven dans ce bureau, m'explique-t-il en lançant une œillade à l'étage, que l'accès est hautement gardé, mais qu'ils iront fumer dans les jardins aux alentours de vingt-deux heures.
Je reste muet. Quel idiot je fais... Je referme la bouche et regarde ailleurs, vexé de m'être laissé aveuglé par ma jalousie. Nous nous écartons tous de nos partenaires respectifs dans une brève révérence et William retire son chapeau pour le garder devant lui, un bras dans son dos.
― Une autre question, très cher ?
― Non, ça ira.
― Bien. Sur ce, excuse-moi, je vais aller trouver quelqu'un pour la prochaine danse.
Pardon ? A l'instant où j'entends les premières notes du tango « La cumparsita », dans une adaptation de la version terriblement sensuelle du film avec Antonio Banderas, je le fixe avec des yeux exorbités.
― Tu vas aller chercher une femme pour danser un tango ? Ce tango ?
― Qui a parlé d'une femme ?
Mon regard se rétrécit.
― Dis-moi que c'est avec le fils de Raven...
― Raven n'a pas de fils. Non, je ne sais pas encore qui sera mon cavalier, soupire-t-il d'un air las en analysant la salle. Quelqu'un qui saura m'enflammer, réellement. Un homme à ma hauteur.
Il se fout de moi ? Je vais l'étrangler !
― William... grimacé-je.
― Tu m'as l'air d'avoir chaud, me dit-il sur un ton léger. Va donc boire quelque chose en m'attendant, ça te rafraîchira.
Il me tapote le buste avec un petit sourire et me snobe pour aller en direction d'une bande de vampires dont l'attention est braquée sur lui. Mon sang ne fait qu'un tour. Je l'attrape par le bras et le tire jusqu'au milieu de la piste pour le plaquer contre moi.
― Je vais te faire regretter ces paroles à la minute où on sera seuls.
Il tourne la tête dans un petit souffle blasé, atrocement offensant.
― Ah, ce sera donc un tango ennuyeux...
Je me mords la lèvre pour ne pas le mordre lui. Quel petit insolent... Nous commençons par de petits pas lents, collés l'un à l'autre et liés par une poignée de mains ferme, guidés par l'ambiance sulfureuse de la musique. Ma main glisse au creux de son dos et je le penche en arrière en le cambrant contre moi.
― Tu as l'air d'oublier qui je suis, petit prêtre, murmuré-je.
― Et qui es-tu, mon cher Matthew ?
Je le redresse d'un seul coup et nos bouches se frôlent.
― Un vampire qui fait énormément d'efforts pour se contenir avec toi. Un vampire réputé pour faire couler beaucoup, beaucoup de sang. Tu n'as même pas eu un aperçu de moi.
Sa lèvre s'étire dans un sourire. Il me repousse et nos mains se joignent avant d'entamer des mouvements plus vifs sur un rythme endiablé.
― N'oublie pas qui je suis, moi.
Nos bras se délient et il tourne sur lui-même sous les regards alléchés du groupe de vampires qu'il visait tout à l'heure. Arrivé à leur hauteur, il leur lance un clin d'œil enjôleur et leur tend à bout de bras son chapeau. L'un d'entre eux s'empresse de le récupérer comme un fan subjugué, la langue pendue, et William revient s'enrouler autour de moi. Son genou remonte le long de ma cuisse dans un mouvement lascif et sa main vient se nicher dans ma nuque. La chaleur grimpe dans mon corps.
― Je le sais. Tu es l'homme que tous ceux qui nous entourent rêvent de capturer, répliqué-je sur un ton secret. N'importe quel humain sain d'esprit serait terrifié.
Je le maintiens contre moi d'un bras au creux du dos et il se cambre dans un mouvement souple, une jambe tendue derrière lui et l'autre pliée entre les miennes, exposant sa pomme d'Adam et m'offrant sa poitrine. Il fourre les doigts dans mes cheveux et mon nez glisse le long de son torse, entre les pans de son costume. Je le relève et le presse contre moi.
― Je suis effrayé... me répond-il dans un souffle aguicheur.
Il me repousse et nous nous tournons autour de biais avec un air de défi, sur un pas de danse souple et languide. Les vampires devant nous sont magnétisés.
Je m'avance vers lui et il recule, jusqu'à ce que ma main se referme sur son poignet afin de l'attirer vers moi. Il tourne sur lui-même dans son élan et finit dans le creux de mon coude, la jambe enroulée autour de la mienne, dans le pli de ma fesse. Des exclamations féminines retentissent dans le public près de nous. Sa nuque est moite, sous mes doigts, et la sueur scintille légèrement sur ses tempes. L'air s'embrasent entre nos deux visages. Nos corps se font l'amour à travers ce tango.
Il se relève, les mains dans mon cou, et nous avançons de côté sur une ligne de pas en huit, liés par une poigne solide.
― Je ne peux pas croire que tu saches danser comme ça, fais-je sur un ton dépité.
Un gloussement ravissant lui échappe. Il fait volte-face et nous restons de biais, face à face, nos bras glissant l'un sur l'autre. Je le fais tourner sur lui-même et nos doigts se referment dans nos nuques avant de descendre vers le sol dans une fente et de remonter sensuellement, les yeux dans les yeux.
― J'apprends vite.
― Je confirme...
Il répond à mon sous-entendu par un discret coup de langue sur sa lèvre inférieure. Dieu des enfers, sauvez-moi. Comment suis-je censé résister à cette tentation humaine ? Mon unique obsession est de le dévorer. Ce n'est pas un prêtre que j'ai face à moi, mais le plus divin des démons.
Il me tourne autour, ses mains toujours sur mon corps, puis s'arrête devant moi et se baisse avec une lenteur terrible, stimulant mon entrecuisse grâce à sa jambe dans sa descente. Le désir me fait tourner la tête, et je ne suis pas le seul. Une odeur délicate et poudrée de rose plane parmi nos admirateurs d'en face. Il se relève et je le retourne pour le sangler dos contre moi.
― Si ton but était de faire monter la chaleur chez ces types, c'est réussi.
J'aperçois un sourire malicieux sur son visage. Nos pieds tracent ensemble un arc-de-cercle, puis il fait volte-face et nos mains se retrouvent dans une ultime descente de nos corps entrelacés. Sur les dernières notes, il finit en-dessous de moi, près de mon genou fléchi, sa jambe tendue en arrière avec la souplesse d'un danseur de ballet.
Quelques secondes s'écoulent où nous restons mains dans les mains dans la même position, nos cœurs battant la chamade après ce moment magique. Puis, des applaudissements retentissent. Beaucoup nous reviennent pour cette prestation passionnée.
Je l'aide à se redresser et il se recoiffe d'un geste raffiné avant de reprendre une posture digne, comme s'il ne s'était jamais exposé un seul instant face à tous ces vampires. Avec son incroyable courtoisie habituelle, il félicite les autres danseurs et les gratifie de quelques compliments bien choisis. Nous nous retirons pour laisser place à de nouveaux duos, bien décidés à enflammer à leur tour le public sur une musique tout aussi chaude.
― Finalement, tu ne m'as pas déçu, me dit-il. Merci pour ce tango, très cher.
Il ne me laisse pas le temps de fanfaronner et se dirige déjà vers le groupe qui garde son chapeau ; une simple flatterie avant de passer à la suite. Insaisissable. Une fois son bien récupéré, il repart, mais entraîne avec lui sans les voir deux vampires aux masques rouge et noir. Ces types le collent à la trace dans la foule. Garde ton calme, Mat.
Quand ils réussissent enfin à l'aborder, il les reçoit avec un petit gloussement séducteur, caché derrière son poing. Je serre les dents. Quel intérêt ces deux abrutis ont-ils pour lui ? Pourquoi les laisse-t-il le draguer ? Le masque noir s'approche de son oreille pour sentir son odeur, mais William reste flegmatique, son éternel sourire courtois placardé sur le visage. Je me craque le cou, respire un coup pour me retenir, mais en voyant l'autre poser les mains sur sa taille et nicher le nez dans ses cheveux, mon sang ne fait qu'un tour.
Je les rejoins en quelques enjambées et attrape par le bras celui qui le touche.
― Toi, tire-toi vite fait avant que je pète un plomb, grogné-je canines au-dehors.
Le vampire adresse une œillade confuse à William. Après avoir jaugé le danger que je représente, il s'éloigne avec son ami dans un juron. Je me plante devant Will, bras croisés.
― Tu m'expliques ?
― Bien sûr. Je me rapprochais d'un assassin que nous chassons depuis des mois et que j'avais réussi à attirer, malgré ses préférences pour les femmes.
― Oh.
― Oui, « oh ». Tu as l'air d'oublier que je n'infiltre pas l'ennemi pour m'amuser.
― Je sais... excuse-moi.
― Qui a dit que je t'en voulais ?
― Euh, je pensais que j'avais tout fait foirer...
― Au contraire. Tout se passe à la perfection.