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June_Stephen
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Chapitre 30

PDV William

Je tente de ne pas chavirer contre les murs du couloir pour ne pas répandre du sang partout dans le presbytère. Je dois me recoudre. Vite. Je m'écroule contre la porte de la salle de bain et regarde mon sang couler sur le carrelage. Mon regard s'élève vers le placard à pharmacie. Allez, William, tu l'as fait des dizaines de fois, tu peux le refaire. 

Je me relève, mais m'effondre dans la seconde. Mes mains tremblent sur le sol, mon corps refuse de m'obéir. C'est pas vrai... Est-il encore temps d'appeler Adam ? Je dois pouvoir...

― William ?!

Je tourne la tête vers Matthew, planté dans le couloir avec une expression horrifiée. Misère. Il se jette à mes pieds et s'horrifie devant mes plaies au cou.

― C'était censé être un interrogatoire, pas une boucherie !

― Ils l'ont abattu, articulé-je, à bout de souffle. Stevenson. Ses assassins m'ont attaqué ensuite.

Il court récupérer le matériel médical dans le placard à pharmacie et revient s'agenouiller devant moi.

― Tu as perdu beaucoup de sang... Putain, William !

― Si tu veux me soigner, soigne-moi. Ne dis rien d'autre.

Il me soulève dans ses bras et m'emmène jusqu'au lit. Une fois couché, il retire mes couches de vêtements pour exposer mes blessures. Ma tête tourne. Mes paupières sont lourdes et commencent à papillonner.

― Reste avec moi ! C'est un ordre !

Garder les yeux ouverts. Garder les yeux ouverts... La brûlure du désinfectant et l'aiguille de suture dans ma chair à vif sont efficaces pour me maintenir éveillé. Je prends de longues inspirations et tente de calmer mes tremblements en me focalisant sur Matthew. Il me recoud l'épaule avec plus d'aisance que je n'en aurai jamais.

― Quand est-ce que... tu as été médecin ? murmuré-je entre deux halètements.

― Je n'ai jamais été médecin. Je ne voulais juste pas t'effrayer avec mon C.V de cinq cent ans.

― Un pieux mensonge... répliqué-je, fébrile. Parle-moi...

― J'ai appris sur le champ de bataille, comme beaucoup de monde en temps de guerre. Ensuite, j'ai étudié l'herboristerie, l'alchimie et le vampirisme dans ses fonctions guérisseuses. Puis je me suis rapproché de la famille royale. Nous sommes devenus très intimes après que j'ai sauvé les enfants du roi d'une maladie que leurs médecins n'arrivaient pas à soigner. Je leur ai apporté mes connaissances et ma protection sur de nombreuses générations, après ça J'ai servi de nombreux rois et princes britanniques, ma loyauté à la couronne n'est plus à prouver.

― Un vrai chevalier, fais-je dans un sourire.

― Mais vu que j'ai toujours aimé des cinglés comme toi, je sais recoudre des plaies les yeux fermés ! ajoute-t-il sèchement.

Je grimace lorsqu'il cautérise une veine et commence à me suturer le cou. Mes dents se serrent, la sueur coule sur mes tempes.

― Tu comptais te recoudre le cou tout seul avec ton gros cerveau, Sherlock ?

Son amertume est palpable.

― C'était le plan de base, répliqué-je sur un ton léger pour dédramatiser.

Il contient sa colère, je le sens. Dans ma situation actuelle, sa rancœur est justifiée.

― Avant que tu ne me reproches de ne pas t'avoir appelé, j'ai un collègue qui me soigne, si besoin. Je fais même des stocks réguliers de mon sang, en cas d'urgence. Cette nuit, j'ai juste refusé son aide. C'est ma faute.

― Et pourquoi tu as refusé ? s'agace-t-il.

Je garde le silence. Pourquoi ? Parce que j'ai cette obsession de me prouver que je peux m'en sortir seul. Parce que le passé refait surface et je me renferme. Depuis le démon et l'arrivée de Matthew, mon équilibre est perturbé. 

Avant tous ces changements, mon monde était peut-être déjà dangereux, mais je le contrôlais moi-même de A à Z. Aujourd'hui, je ressens le besoin d'en faire plus que d'habitude pour compenser l'anxiété maladive que je cache au fond de moi et que je crains de voir surgir à tout instant.

Une faille s'est ouverte et je tente de la combler, quitte à me jeter tête la première dans la mort. Stupide, certes, mais il est difficile d'aller contre notre mécanisme interne, même lorsqu'il est autodestructeur. Toutefois, des gens dépendent de moi. Je ne peux pas continuer sur cette voie.

― Je vais me reprendre. C'est promis.

Matthew nettoie le sang qui a coulé sur mon épaule, ma joue et mon torse avec des compresses, puis m'injecte une dose d'antidouleurs et range le matériel dans la mallette qu'il a posée à côté de moi. Les soins finis, il reste prostré sur le lit, menton bas.

― Tu es une énigme pour moi et pas dans le bon sens, se désole-t-il. En fait, je crois que je n'ai jamais été aussi perdu avec quelqu'un qu'avec toi. Je sais que tu me caches plein de choses, que tu ne me montres pas le vrai William, mais l'homme de façade que tu sers à tout le monde. Et ça, pour construire quelque chose de sain, je peux pas. Je sais qu'il te faut du temps, que je dois encore faire des preuves et que tu ne m'as encore rien dit sur ce que tu ressens, mais je pensais qu'au moins...

Il détourne un regard atterré. Mon cœur se serre. Je prends conscience qu'en choisissant de briser ma solitude avec lui, je me suis engagé dans bien plus qu'une simple relation affective. Nous sommes deux êtres écorchés par la vie, lui depuis bien plus longtemps que moi, et je n'ai pas le droit de le faire souffrir plus que nécessaire alors qu'il n'aspire qu'à m'aimer et me protéger. Si je désire construire un lien durable et sincère entre nous, je dois faire un pas vers lui. Je cueille sa joue dans ma paume et tourne son visage vers moi.

― Je ne voulais pas te faire de mal, je suis désolé.

― Alors commence par ne plus me mentir et me montrer le vrai William. Rien ne sera possible sinon.

Il pose une main sur ma poitrine. Je la recouvre avec la mienne et lui réponds dans un sourire chagrin.

― Personne ne me connaît réellement. Il faudra du temps pour que je te dise tout. Beaucoup de temps. J'ai été conditionné pour oublier le passé.

― Je ne comprends pas, qu'est-ce qu'il t'est arrivé ? Tes parents sont pourtant des conservateurs de musée, ta famille est noble...

Je ris doucement. Dommage, cette version me plaisait bien.

― Je t'ai menti, comme je mens toujours à tout le monde.

Il reste bouche bée. J'imagine bien sa stupeur. Mentir autant que je le fais relève de l'exploit. Je l'attire contre moi et il se laisse tomber sur les coudes, de chaque côté de mes bras.

― Ne le prends pas personnellement. Je n'ai jamais dit la vérité à personne au sujet de mon histoire ou de mes parents. Il n'y a que mon mentor qui savait tout. C'est lui qui m'a offert cette nouvelle vie. Il était...

Parler de Leonard et faire ressortir ces émotions n'est sans doute pas l'idée la plus judicieuse, en ce moment, mais continuer à me renfermer n'est pas la solution. Je m'oblige à prononcer les mots.

― Il était le seul qui ait jamais ressemblé à un vrai père, pour moi. Celui avec qui j'ai grandi...

Je détourne le regard, incapable d'en dire plus sur mon paternel. S'il y a bien quelqu'un dont je ne peux pas parler, c'est cet homme. Un long silence s'installe entre nous, le temps que je digère mes émotions. En mon for intérieur, je remercie Matthew de ne pas m'avoir servi l'une de ces réponses prémâchées dont les gens se gratifient toujours avec leur pâle empathie de courtoisie. Une âme détruite n'a que faire de la pitié d'autrui. A la place, il me caresse les cheveux avec tendresse. Juste ce qu'il me fallait pour m'apaiser.

― Où il est maintenant, ton mentor ?

― Il est décédé de son cancer, l'an dernier. Ma vie est son héritage.

Je caresse le rubis de ma croix dans un sourire peiné. Il hoche la tête et laisse s'écouler quelques secondes.

― Mon père à moi était prêtre.

Je le fixe, éberlué. Je m'attendais à tout sauf à ça.

― J'ai été abandonné bébé sur le seuil de l'église de Belmont, poursuit-il. Il m'a élevé et éduqué avec amour, tout en respectant ma nature et ma personnalité. Et puis, je suis arrivé à l'âge où il me fallait du sang humain pour survivre. Un jour, sans le vouloir, j'ai failli le tuer. Il s'était volontairement coupé au bras pour me nourrir, mais il ne parvenait pas à refermer la plaie. Après ça, et pour ne pas m'attirer les foudres de ses confrères, il est allé se fournir par lui-même. Mais à l'époque, on n'avait pas de magasin de sang, juste des types dangereux qui vendaient du sang et tendaient souvent des guet-apens.

― C'est là qu'il s'est fait tuer... ? murmuré-je.

Il acquiesce tristement.

― Qu'est-ce qu'il t'est arrivé ensuite ?

― J'avais dix ans. Les autres prêtres, encouragés par ce cher évêque, m'ont accusé de sa mort. Comme « châtiment de Dieu », ils m'ont battu, noyé plusieurs fois dans l'eau bénite et gravé une grande croix dans le dos au fer rouge, puis frappé au visage avec.

Un frisson d'horreur me traverse. Comment l'église a-t-elle pu infliger de tels supplices à un jeune orphelin ? Il m'indique la cicatrice au coin de son œil droit.

― J'ai failli perdre mon œil, ce jour-là. Ma vue décline d'ailleurs avec le temps.

La rancœur me monte à la gorge.

― Ensuite, ils m'ont chassé. Je me suis retrouvé à la rue, blessé et en plein hiver. J'étais en train de mourir de froid dans la neige quand Keira m'a sauvé.

Je caresse ses cicatrices sur la pommette et l'arête du nez du bout du pouce, le cœur lourd.

― On a grandi tous les deux dans un foyer communautaire tenu par un petit groupe d'humains et de vampires pour des jeunes orphelins comme nous. Je commençais à les croire, quand ils disaient que tout irait bien, qu'ils ne nous abandonneraient pas.

― Mais...

― Mais, dans sa chasse aux vampires, pour nous exterminer dès le plus jeune âge, l'évêque a fait incendier l'orphelinat. Seuls Keira et moi en sommes sortis vivants. Le pire est qu'il a utilisé la mort de mon père pour justifier notre massacre.

Je ferme les yeux, choqué et irrité. J'ai honte d'appartenir à cette classe d'hommes. Honte de véhiculer l'image d'un passé ignoble. Je comprends mieux les raisons de sa haine profonde envers nous et je devine que ces actes ne sont pas les seuls qu'il ait dû endurer, vu les nombreuses grandes guerres que l'église a livré contre les vampires. Son histoire me touche plus qu'aucune autre. Je dépose un baiser sur son nez et colle mon front contre le sien.

― Je suis désolé. Pour tout ce qu'ils t'ont fait.

― Tu ne m'as rien fait, toi.

― Mais je fais partie d'une organisation vaticane qui continue à massacrer les tiens... Ton attitude insupportable s'explique enfin.

Il ricane doucement, puis m'enlace en veillant à ne pas me faire mal.

― Quelles que soient nos origines ou notre ADN, ça ne fait aucune différence. Nous partageons cette Terre tous ensemble. Nous nous entretuons, nous nous aimons, nous donnons la vie... le cycle est éternel. Je me fiche d'à qui appartient le sang que tu fais couler, tant que tu m'offres ton cœur.

Mes lèvres frémissent. Je ne résiste pas à l'envie de le serrer contre moi, malgré la douleur. Il fourre son nez dans mes cheveux et nous nous berçons l'un l'autre durant de longues minutes. Mon corps se réchauffe contre le sien dans une sensation parfaite de réconfort et de sécurité. « Un être qui n'a jamais connu l'amour est passé à côté des sentiments les plus forts qui existent ». Je comprends mieux, désormais.

Je cueille son visage entre mes mains.

― Taylor. William Taylor. C'est mon véritable nom.

Il me regarde avec des étoiles plein les yeux, conscient de l'importance capitale de cette information. J'ai l'impression de lui avoir offert un trésor. Il m'embrasse avec passion, comme s'il me remerciait de ce cadeau, preuve directe de ma confiance en lui.

― Je ne peux pas te donner mon nom de famille, je ne le connais pas.

Il capture mes mains entre les siennes.

― Mais je peux te donner ma dévotion. Tu n'auras personne de plus loyal que moi.

― Bien, chevalier Nightingall.

Nous nous sourions.

― Tout ce qui compte, c'est ce que nous ressentons l'un pour l'autre, susurre-t-il.

Dans ses yeux brillants, je devine quelle phrase il rêve de m'entendre prononcer. Mais je suis incapable de lui offrir. Peut-être parce que je n'intègre toujours pas la notion derrière ces trois mots, car personne ne les avait encore jamais prononcés pour moi, avant lui. Je lui renvoie une moue navrée, il me sourit avec tendresse.

― C'est pas grave, tout va bien.

Sa douceur et sa compréhension me rassurent. Il dépose un baiser sur mon front. La pression qui commençait à peser sur mes épaules s'estompe. Je glisse mes mains dans sa nuque et l'embrasse. Mes blessures sont douloureuses, mais je m'en moque. Cette étreinte est la plus importante. 

Ma langue va chercher la sienne et je me délecte de sa caresse. Un profond bien-être m'envahit. Le baiser se renforce peu à peu et son souffle brûlant se calque sur le mien, de plus en plus court. La chaleur dans mon corps finit immanquablement par augmenter et nous retrouvons très vite submergés par le désir.

― Mieux vaut... se calmer, fais-je sur un ton rieur.

Il me dévore d'un regard de braise.

― Tu as envie de le faire avec moi ?

― P-pardon ?

― Tu sais de quoi je parle.

Je reste muet un instant, la lèvre mordue, et finis par acquiescer.

― J'en aurais envie, mais...

Mon estomac se noue. Cette nuit n'a fait que justifier ma phobie des morsures. Je ne pourrai pas aller plus loin avec lui si je ne me désensibilise pas. Et cela commence en demandant de l'aide.

― J'ai... besoin de toi pour vaincre ma peur de vos canines.

― Qu'est-ce que je dois faire ?

Les mots sont difficiles à prononcer et je les regrette déjà.

― Me... me mordre.

Il me fixe avec de grands yeux.

― Tu es sûr de toi ?

― Tu dois me faire vivre une morsure « agréable », si jamais cela existe...

― Oui. Et je serai heureux de te le prouver.

Je hoche la tête, plus inquiet qu'autre chose. A mes yeux, ceux qui aiment se faire mordre trouvent leur plaisir dans la douleur et ce n'est pas mon cas. Mais actuellement, je n'ai pas d'autre solution.

― Avant ça, je vais aller prendre une douche.

Je me redresse en grimaçant. Mon corps doit être remis à neuf pour mon infiltration au Lorens. Je serai entouré de vampires, je n'aurai pas le droit à l'erreur.

― Pourras-tu me laisser un gel comme celui que tu m'as donné mardi matin dans la salle de bain ? Il a été très efficace.

― En fait, celui-là, c'était surtout ma salive...

― Vraiment ?

Il s'assoit sur mes cuisses et se lèche les lèvres tout en s'approchant des miennes.

― J'ai toujours de quoi en faire sur moi. On peut s'en occuper ensemble, dès maintenant.

Le feu me monte aux joues.

― Mais si ta salive entre en contact avec mes blessures...

― Mmh, tu auras « légèrement » envie de moi, oui, sourit-il. Mais c'était pas déjà le cas, dans le parc ?

Il se faufile dans mon cou, du côté indemne, et caresse ma peau de son souffle chaud tout en gémissant doucement. Je frissonne.

― J-je ne veux pas me retrouver dans cet état...

― Pourquoi ? Tu es avec moi, dans ta chambre, tu ne crains rien. Et puis, je t'ai déjà vu en plein orgasme...

Je déglutis et tourne la tête. Il n'a pas tort. Mais je crains de ne plus me reconnaître, de perdre contrôle, et je ne veux pas...

― Je n'irai pas jusqu'au bout, Will.

Je le regarde à nouveau et il me caresse le visage.

― Je te ferai du bien, si tu es d'accord, mais je n'irai pas jusqu'au bout.

― Tu ne me mettras pas ton...

― Non.

Après un pénible moment d'hésitation, je finis par approuver. Je pensais que mes sentiments naissants seraient les plus difficiles à accepter, mais ce n'est peut-être pas le cas, finalement.

― Donc, tu vas me mordre ?

― Puisque tu me l'as demandé.

Je hoche la tête pour conclure notre accord, malgré l'appréhension. Les conditions sont justes et je ne cours aucun risque. Alors, pourquoi suis-je terrifié ?

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