PDV Matthew
Une vibration répétée me fait grogner. Mes yeux s'ouvrent sur le visage endormi de William, face à moi. Son bout de nez frôle le mien et nos corps sont entrelacés. J'en oublie immédiatement mon agacement. Quel meilleur réveil que celui-là ? Un sourire béat étire mes lèvres.
― Si tu ne réponds pas, elle va rappeler encore, murmure-t-il, les paupières toujours closes.
― Qui ça ?
― Ta sœur.
― Comment tu...
Je tends la main vers le chevet, prends mon téléphone et constate que c'est bien Keira.
― T'as vu son nom ?
― Non. Mais qui t'appellerait à cette heure, depuis plusieurs heures, après que tu aies passé la nuit dehors ?
Très juste. Je soupire, frustré qu'il se soit réveillé à cause de mon téléphone, et décroche.
― Salut, ma très chère sœu...
― Nightingall, t'es où ! hurle-t-elle. Me dis pas que t'es avec ce foutu prêtre ou je viens t'arracher la tête !
― Démasqué, plaisanté-je.
― Putain, tu te fous de moi ? Pas un mot, rien, tu te barres pour aller le baiser et c'est tout ?!
William se penche vers le téléphone avec une moue angélique.
― Bonjour, Keira. Je te prie de m'excuser pour l'inquiétude causée, c'est ma faute. A vrai dire, Matthew m'a soutenu dans un moment très difficile, hier soir, je lui en suis très reconnaissant.
Elle se tait quelques secondes.
― Ah. Mmh, bon. OK.
Calmer ses nerfs en si peu de temps, c'est un exploit. Il m'a sauvé d'une crise.
― Je suppose qu'il doit crever la dalle. Il doit rentrer.
― Je... pense que je l'ai bien nourri, cette nuit, sourit-il avec une gêne tout-à-fait adorable.
― Nourri dans tous les sens du terme, lui chuchoté-je, complice.
― Oh, putain ! J'veux rien savoir de vos histoires de bites, ark !
― Ahem... Personnellement, je parlais de mon sang, reprend-il.
Le silence de ma sœur est si long que je me demande si elle ne s'est pas évanouie.
― Keira ? demandé-je.
― Mais... mais t'es un putain de prêt... je veux dire, t'es un prêtre !
Est-ce qu'elle vient vraiment de corriger sa vulgarité par respect pour lui ? Que le ciel me tombe sur la tête !
― C'est pas un prêtre comme les autres, rétorqué-je, en le dévorant des yeux. Crois-moi, t'as pas à t'inquiéter.
― Bordel. Ben dis donc, si je m'attendais à ça... Sans dec', vous allez me rendre chèvre. Bref, quoiqu'il en soit, mon frère a quelque chose à faire, pas vrai Mat ? Comment ça avance ?
Je me mords la lèvre. Comment te dire, très chère sœur, que mon enquête est résolue, mais que j'ai décidé de passer du côté de l'ennemi. Si je lui disais la vérité, elle me couperait la tête.
― Ouais, toujours au point mort.
― Tu m'étonnes que c'est au point mort, vous êtes en pleine lune de miel... bande de cons. Mon père, veuille me rendre mon frère avec son cerveau, il vaut pas grand-chose dans cet état.
William glousse dans son poing. Il effleure ma barbe de quelques jours du bout des doigts.
― Je trouve qu'il révèle beaucoup de belles qualités, au contraire.
― Ha ! Qualités ? Attends de le voir quand il sera jaloux ou qu'il voudra faire la peau à quelqu'un. Pas vrai, Lyssa ? articule-t-elle.
― Ahem ! Allez, bonne nuit, conclué-je rapidement.
― Il est huit heures trente, Mat...
Je raccroche sans attendre.
― Pourquoi t'a-t-elle appelé comme ça ? Lyssa, dit-il d'un air intrigué, c'est plutôt original...
― C'est rien. Elle m'a appelé comme ça pour me provoquer.
Malgré sa curiosité, au lieu de me questionner davantage, il acquiesce et me sourit. C'est ce que j'aime chez lui, il respecte mes secrets et mes humeurs tout comme je respecte les siens. Les mains en coupe autour de mon visage, il m'embrasse sur le front, le nez et la bouche, puis s'assoit au bord du lit et s'étire pour se lever.
― Ah, j'avais oublié cette maudite entorse, peste-t-il. Sans elle, j'aurais pu m'échapper sans problème, cette nuit.
Je fouille dans ma poche de pantalon et en ressors la crème que je lui ai appliqué hier. A force de fréquenter des cinglés, on devient prévoyant.
― Viens là.
Je le réallonge sur le matelas et me positionne entre ses jambes pour répandre la crème sur sa cheville.
― Dis-moi, je me demandais, si je suis mordu par des vampires et qu'ils répandent leur salive en me buvant...
Ces simples mots suffisent à me faire grincer des dents.
― ... est-ce que j'aurai les mêmes effets qu'avec toi ?
― L'effet aphrodisiaque dépend de plein de facteurs, on n'a pas de pilule magique. Si tu as réagi aussi fort avec moi, ce n'était pas un hasard.
Même si je pense qu'il a tout de même une hypersensibilité dû à un vieux traumatisme, causé par des vampires.
― Tout dépend de notre ancienneté sur Terre, expliqué-je, de si l'humain nous trouve attirant et du lien qu'on a avec. La sensibilité de son corps peut entrer en jeu, c'est sûr, mais les émotions fortes sont décisives dans la relation. Si le vampire est un banal inconnu, un jeune de cinquante ans, ou est repoussant aux yeux de l'humain, sa salive aura très peu de chance de lui faire ce genre d'effets. En revanche, plus le vampire est vieux, expérimenté et séduisant, plus ces effets seront puissants.
― Hmm. D'où le fait que les anciens vampires sont généralement charismatiques et bien nourris. Sélection naturelle.
― Et que je t'ai capturé dans mes filets, mon joli prêtre.
Il me renvoie ce sourire niais qui annonce que je vais en prendre plein les dents.
― C'est étrange, je pensais que les vieux vampires et les individus les mieux adaptés avaient des charmes puissants, capables de magnétiser n'importe qui. Rappelle-moi quels ont été mes premiers sentiments envers toi lorsque tu as voulu me séduire ? Pardon, je corrige : lorsque tu m'as harcelé ?
― Tu ne m'appréciais pas beaucoup ? ricané-je, penaud.
Il bat des cils, mielleux.
― Je te méprisais plus que quiconque sur cette Terre.
Ouch !
― OK, OK, je l'ai bien cherché. Mais avoue que je me suis bien rattrap...
― Regarde ! m'interrompt-il en désignant sa jambe. Mon mollet !
Je baisse les yeux. Le serpent a quasiment disparu... Valentina avait raison à propos d'Ozrun, notre sincérité lui a fait perdre son emprise. Nous échangeons un regard émerveillé et je m'étale sur lui pour l'embrasser.
― Mmh, et ma cheville ? bredouille-t-il contre mes lèvres.
― J'ai mis la dose. Le temps que ça pénètre, tu seras réparé d'ici ce soir. D'ailleurs, en parlant de pénétrer...
Je laisse couler mes doigts en direction de sa hanche.
― T'occupais-tu des princes britanniques de la même manière ?
― Disons que je suis très polyvalent...
― Je m'en doutais, pouffe-t-il. Pervers.
― Un chevalier est loyal et obéissant, mon père. Je n'ai fait que me dévouer corps et âme pour la famille royale.
― Et surtout le corps, je n'en doute pas, ricane-t-il. Et maintenant, chevalier ? Qui servez-vous ?
La question se pose-t-elle encore ? Je le contemple, admiratif.
― J'ai trouvé mon nouveau prince, et je ne compte pas le lâcher.
Il me dévisage avec un regard mi-clos, envoûtant. La couleur bleu-vert céladon de ses iris m'hypnotise. Qui est celui qui a ensorcelé l'autre ? Je suis complètement fou de cet humain. Pour lui, je pourrais laisser brûler le monde entier.
― Je veux ouvrir les portes dans quarante-cinq minutes, affirme-t-il.
― Pourquoi je le sentais venir ? T'es censé être en congés.
― Je vais juste laisser ouvert une petite demi-journée.
― William...
― Matthew, ce n'était pas une question.
Je grogne dans ma barbe. Une marguerite aurait plus d'influence que moi. Je me demande si quelqu'un arrive même à en avoir sur lui.
― Bon, ça nous laisse quarante minutes pour nous amuser.
― On s'est déjà beaucoup amusé, cette nuit.
― Mais pas jusqu'au bout.
Je passe ma langue sur la peau lisse de son cou et gémis près de son oreille.
― Le jour où tu m'autoriseras à te mordre ici, je crois que j'aurai le plus bel orgasme gustatif de ma vie.
― N'exagère pas, Don Juan.
― Je n'exagère pas. Nous avons tous des saveurs et une odeur différente. Pour le sang, c'est pareil.
― En somme, tu es un gros moustique.
Je punis cette insulte par un petit coup de dents au lobe. Il me repousse dans un léger rire.
― Les opposés s'attirent, ajouté-je. Quoi de plus opposé qu'un prêtre et un vampire ? Nos deux camps sont ennemis depuis toujours, votre sang est un nectar pour nous.
Je suce sa lèvre en veillant à ne pas l'écorcher avec mes canines, allongées par le désir, et il ferme les yeux en soupirant. Le voir languissant en-dessous de moi, livré à ma merci... L'envie de le mordre me submerge. Un simple petit coup de dent sur sa lèvre fragile...
― Rien que de repenser à ton goût, ça me fait bander. Putain, Will, tu me rends dingue.
Il pousse un petit gémissement et enroule ses cuisses autour de moi. Nos sexes se frottent l'un contre l'autre, la tension monte dangereusement.
― Je t'accorde vingt minutes.
― Vingt-cinq.
― Quinze.
― D'accord, d'accord, vingt...