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June_Stephen
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Chapitre 36

PDV Sylas

   

Je siffle mon cinquième Pimm's dans le bureau de Raven, imprégné d'une odeur de cigarette froide. Assis dans le canapé en cuir, mon masque de loup posé près d'une bouteille de Cotswolds sur la table basse, j'observe d'un œil distrait les invités qui intègrent peu à peu la salle à travers la grande vitre. 

Je déteste les entendre caqueter, ces bourgeois arrogants. Mais je déteste encore plus Raven. Il peste avec les autres devant l'enregistrement d'une caméra de surveillance. Une demi-heure qu'ils sont tous collés à son ordinateur. Je ris en mon for intérieur. Je suis si bien, moi, loin de leurs tracas et de leur enquête pathétique. 

Si tous ces blaireaux se sont fait tués, c'est qu'ils l'ont mérité. Ils n'ont aucune subtilité, aucune règle. S'ils avaient eu le quart de mon talent pour survivre...

― Cet enfoiré, crache Langlois en français.

― Je paye une fortune des logiciels utilisés par le gouvernement américain et on n'arrive à rien parce que ce connard éblouit les caméras avec une lumière infrarouge, maugréé Raven. Ça me rend dingue !

Je bâille. D'un ennui...

― Je pensais qu'on allait s'amuser, Raven, soupiré-je, las. Je crois que je vais redescendre, ils seront toujours moins sérieux que vous.

Je me lève avec mon verre, mais un gorille me barre la route. Le sourcil arqué, je le contemple de la tête aux pieds.

― Chéri, va-t'en vite avec que je ne m'occupe de ton p'tit cul musclé.

― Sylas, pourquoi tu ne te montrerais pas un peu utile ? lance Raven.

Je fais volte-face dans un rictus grinçant.

― Je t'ai ramené au moins vingt personnes, ce soir, plus de nouveaux humains pour l'orgie. C'est pas mon rôle de...

― Tu oublies vite qui dirige, je crois.

Je jette un œil aux vampires de sa garde et me retiens de répliquer. Ce fils de pute. Les seuls endroits où je tolère les types comme lui sont dans un lit ou lorsqu'ils me noient sous l'alcool jusqu'à en oublier mon immortalité. M'enfin, il faut bien rentabiliser ses investissements. Je balance ma queue de cheval en arrière, me déhanche nonchalamment vers lui et m'appuie sur son bureau.

― Tu veux que je me rende utile comment, chéri ? susurré-je d'une voix mielleuse.

Il tourne l'écran face à moi et me montre la portion de vidéo sur laquelle ils s'acharnent depuis tout à l'heure. Durant de courts instants, le halo de lumière qui est censé éblouir les caméras se coupe et laisse entrevoir un visage.

― Toi qui as un gros réseau, tu vas partager cette vidéo et tu me diras si tu as la moindre info sur son identité. Selon l'analyse, il fait un mètre quatre-vingt et il est blond.

Les images, grossies et au ralenti, tournent en boucle devant moi. Un homme, sous un long manteau noir ressemblant à une cape. Il court dans la rue d'un quartier résidentiel. Le tissu qui couvre son visage est à moitié déchiré. Je plisse les yeux et... attends, des cheveux blonds ? En regardant de plus près, je constate que, même en pleine nuit, leur couleur est vraiment très claire, voire même... platine. Mon regard s'agrandit et roule dans celui de Raven.

― Quoi ? Tu l'as reconnu ?!

Serait-ce vraiment lui ? J'ai encore du mal à y croire. Mais un jeune prêtre de cette stature, avec cette vigueur et cette blondeur particulière, il n'y en a pas cent sur Londres. S'il ne m'avait pas maîtrisé au sol comme un pro, j'aurais hésité davantage, mais ce sang-froid, ces gestes assurés, cette répartie... Non, aucun doute. Le profil matche à cent pourcents. 

J'ouvre la bouche et me ravise dans l'instant. Pourquoi devrais-je le livrer à ces deux salops ? Ils ne sont pas les saints patrons des vampires anglais ! Que cette bande de connards supérieurs aille au Diable.

― Je me demandais où il avait pu commander un manteau aussi stylé. C'est exactement le genre que je cherche pour les tendances de cet hiver.

Raven s'affale dans son siège.

― C'est un putain de manteau paroissial, abruti !

― Oh.

― Je savais que j'en attendais trop de toi.

― C'est bon, je vais faire tourner, oulala ! Tant de dramas pour rien...

― Et avec discrétion, Sylas !

La discrétion tu la connais pas, toi, quand il s'agit de beugler comme un âne en pleine baise.

― Bien évidemment, très cher, rétorqué-je dans un sourire affable. Puis-je disposer, maintenant ?

Il m'autorise à sortir d'un balaiement dédaigneux de la main. Je récupère mon masque vénitien de loup et sors dans un clin d'œil séducteur au gorille avant d'entendre la porte claquer derrière moi. Une fois seul sur la passerelle, mes lèvres se retroussent dans une grimace irritée. Je ne supporte plus la manière dont Raven me traite. L'information intéressera quelqu'un de plus intéressant pour moi que ce tocard. Je compte bien tirer mon épingle du jeu.

La soirée est entamée depuis une bonne demi-heure. La salle est presque pleine. Le brouhaha et les tintements cristallins des coupes de champagnes sont accompagnés par une interprétation au piano et au violon de l'orchestre de l'opus 9 numéro 2 de Chopin. 

Je salue derrière mon masque un nombre incalculable de connaissances, humains et vampires. On repère vite les hommes et les femmes venus pour être au centre de tous les désirs à leur tenues affriolantes ; j'en vois déjà plus d'un saliver. Cette quête d'attention obsessionnelle est d'un ennui mortel. Mais après six cent ans d'existence, qu'est-ce qui ne m'ennuie pas ?

De leur côté, les vampires se pavanent entre pièces de haute couture et extravagance pour exhiber leurs fortunes ou leurs personnalités décalées. J'enchaîne les promesses de rendez-vous – d'affaires ou privés – et les nouvelles rencontres à base de sourires niais, tout en rembarrant des humains riches, pour la plupart repoussants, obnubilés par le fantasme lubrique d'être mordus en plein acte par un beau vampire expérimenté. Tous ces gens sont aussi pathétiques que soporifiques. 

Un soupir m'échappe toutes les deux minutes alors que je me maintiens éveillé grâce au champagne que les serveurs nous proposent sur leurs plateaux d'argent. Il ne me tarde qu'une chose c'est de pouvoir tester le nouveau produit. Enfin une nouveauté qui pimentera ma vie durant quelques temps.

Une dizaine de mètres plus loin, j'aperçois celui que je n'aurais jamais espéré voir ici un jour. L'excitation grimpe en flèche comme par enchantement. Mon Matthew adoré ! 

Il porte un costume noir et blanc – bien plus sobre que la majorité des invités, mais toujours d'un goût exquis – et a remplacé ses anneaux aux lobes par des clous noirs circulaires. Les mèches sur son front caressent un masque vénitien à la texture étrange. Des écailles de dragon ? Hmm, très bon choix. Quoi de de mieux pour lui que cette créature extrême ? Au seul souvenir de ses accès de rage, je meurs d'envie de lui sauter dessus. 

Je déboutonne le haut de ma chemise vert émeraude, réajuste ma queue de cheval et me dépêche de le rejoindre.

― Matthew, bébé !

Il se braque sur moi. Ses iris gris me transpercent.

― Qu'est-ce que tu fous là ? Tire-toi !

Je n'ai encore rien dit ! J'ai l'impression qu'il m'en veut beaucoup.

― Chéri, qu'est-ce que...

Un homme à côté de lui se révèle d'un pas en avant. Derrière son masque de renard, je devine immédiatement qui il est, sa double identité n'étant plus un mystère pour moi. Lui, ici, avec mon Matthew... L'amertume me monte à la gorge. 

Pour l'occasion, il a troqué sa soutane pour un costume trois pièces inspiré de la noblesse victorienne. Une cravate de bal blanche de type ascot, agrémentée sous la clavicule d'une fine épingle, s'enroule autour d'un col haut et retombe entre les pans de son gilet anthracite. Sur sa tête, un chapeau haut de forme marque la touche ultime d'élégance. L'ensemble est d'un parfait raffinement et son masque argenté valorise à merveille les nuances vert-bleu de son regard paisible. Il sort tout droit d'un roman de Jane Austen... Le côté assassin en plus. 

Une profonde jalousie naît en moi. Et le mot est faible. L'idée que, même après des siècles, je n'arrive pas à la cheville d'un jeune humain me fait bouillir de haine. Je rêve de voir sa tête empalée sur une pique.

Nous nous fixons un moment en silence, puis il retire son chapeau pour le placer dans son dos avec un geste gracieux et me salue en souriant, toujours aussi gentleman.

― Sylas.

― William, articulé-je dans un rictus grimaçant.

― Tu nous excuseras...

Il glisse une main au creux du dos de Matthew pour l'inviter à partir.

― Je ne pensais pas que quelqu'un comme toi se montrerait ici, lancé-je d'une voix plus forte pour le stopper.

― Les mentalités ont changé, tu sais. La jeunesse s'épanouit et se divertit, d'où qu'elle vienne, me répond-il avec toute la sérénité du monde.

Cette espèce de... j'ai envie de le... ! Matthew s'approche de moi et me souffle à l'oreille d'une voix venimeuse :

― Si tu dis qu'il est curé à qui que ce soit, je t'éviscère vivant et je te pends avec tes tripes.

― C'est ce que tu leur faisais à eux, en Italie ? le titillé-je malicieusement en évoquant mon rival.

Il me fusille du regard, sa poitrine enfle de rage. C'est presque si on verrait du feu rougeoyer dans sa gorge. Ah, Matthew Nightingall, où comment retrouver soudain mon goût de vivre. Je ne souhaite pas rencontrer sa folie meurtrière de sitôt et il le sait. Je lève les mains et recule.

― Je rigole, c'est bon. Je dirai pas qu'il est prêtre, relax.

Il s'écarte dans une ultime œillade assassine et William m'adresse d'un hochement de tête courtois avant de reprendre ensemble leur chemin parmi la foule.

Je le hais. De toutes les fibres de mon corps, je le hais.


N/A : On entre dans ma partie préférée de l'histoire 🤭 gardez des pop-corn près de vous... ❤️‍🔥

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