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June_Stephen
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Chapitre 28

PDV Matthew

Il est tard. Trop tard pour mes nerfs. Je fais les cents pas dans la chambre de William. Connaître sa véritable identité et conserver mon calme face aux dangers qui l'entourent sont deux choses très distinctes. 

Sur les différents champs de bataille, j'ai toujours su garder mon sang-froid et diriger des guerriers, quels que soient les enjeux. Mais dès que la personne que j'aime frôle la mort, le contrôle m'échappe. J'ai peur de le perdre comme j'ai perdu Winry et tous les autres avant elle.

La plupart des vampires en couple avec des humains voient leurs âmes sœurs partir à un âge avancé, après une longue vie commune. Moi, non. Moi, je suis toujours tombé amoureux de cinglés héroïques ou de personnes innocentes assassinées par mes ennemis. Au fil des relations, j'ai tenté de me convaincre que ma prochaine histoire serait plus saine et paisible, qu'amour ne rimerait pas toujours avec larmes, mais l'inévitable s'est produit, encore et encore, et j'ai sombré dans une spirale sans fin de noirceur. 

Brutalité, paranoïa, insomnies, peur de l'abandon... La crainte de voir mourir l'être que je chéris a de plus en plus d'emprise sur moi, au fil des siècles. J'ai passé des centaines d'années à voir mourir mes partenaires dans un bain de sang pendant que mes congénères filaient le grand amour. Comment ne pas devenir fou ?

Pourtant, avec Winry, tout était différent. J'allais mieux, le passé était derrière moi. Elle m'avait redonné une raison de croire au bonheur. Elle aimait peindre dans son grand bureau, jouer du violon sur la plage et câliner son chat Ben dans notre belle maison, au fin fond de la lande. Aucun risque autour d'elle, aucune raison de me méfier. J'avais enfin un espoir de vivre en paix et de connaître une fin douce, moi aussi. 

C'est lorsque l'Eglise a fait d'elle une victime collatérale de leur guerre contre nous que ma vie a volé en éclats pour la dernière fois. Et que mes limites ont explosé. Je n'étais plus que haine et destruction. Chacun de mes pas semait la mort. Elle est partie, seule et apeurée, sans moi pour la protéger. Sans moi pour la protéger...

J'aurais dû tous les exterminer. Un par un, jusqu'au dernier. Ces chiens de chrétiens qui nous écorchent vifs, tous les anéantir et ne jamais m'arrêter. Faire couler leur sang. Les étrangler. Les massacrer. Tous jusqu'au dernier. Jusqu'au dernier...

― Matthew ? Que fais-tu ici ?

Je me braque sur William, debout dans l'encadrement de sa porte. Mes paupières battent alors que je réalise que mes ongles sont plantés dans mes paumes jusqu'au sang et que je tremble de rage. Je desserre les poings et la mâchoire et cligne des yeux.

― Matthew ? Qu'est-ce que tu as...

Je me jette sur lui et l'étreins de toutes mes forces.

― Pardon, murmuré-je dans son cou, coupable de mes pensées meurtrières. Je ne veux que ton bien, William. N'en doute jamais.

― Pourquoi est-ce que tu t'excuses ?

Parce que je suis incapable de lutter contre cette haine sanglante envers les tiens, mon ange. Il prend mon visage en coupe entre ses mains pour m'examiner et je l'embrasse avec passion. Il s'écarte au contact de mes lèvres.

― P-pourquoi tes canines sont-elles sorties ?

Merde. Je passe ma langue sous mes dents et elles rentrent peu à peu.

― J'étais juste inquiet avant que tu arrives. C'est rien.

Evitons de préciser que je rêvais d'étriper ses semblables dans d'atroces souffrances. Au fond, cette folie vengeresse restera en moi jusqu'à ce que l'égoïsme et l'intolérance cessent de régir cette société. Autant dire pour toujours. On m'a traité de fou dangereux et sanguinaire. Mais est-ce vraiment moi le fou ou est-ce ce monde qui est malade ?

― Je suis juste allé voir mon collègue blessé à l'hôpital, détends-toi.

Et ce soir ou demain, qu'est-ce que ce sera ? Je le regarde retirer son manteau tout en pénétrant dans sa chambre. Je ne veux pas le faire fuir avec les horreurs de mon passé ou en lui exposant ma part sombre. Il ne doit pas la découvrir, jamais. C'est la première fois qu'il tombe amoureux et il accepte tout juste de timides sentiments envers moi, il n'est pas prêt à entendre que le vampire qu'il aime peut toujours basculer dans une démence meurtrière. 

Je fixe la croix à son cou. Mon tendre petit prêtre, mon William...

― Tu connais un certain Rob Stevenson ?

Je m'éclaircis la voix avant de répondre.

― Non. C'est censé être qui ?

― L'agresseur de mon collègue. Selon mes conclusions, c'est un trafiquant de sang.

― Il y a beaucoup de réseaux qui alimentent la capitale, de l'intérieur comme de l'extérieur. Ce sera difficile de savoir lequel.

Je le contemple alors qu'il se déshabille face à l'armoire, dos à moi. Il déboutonne sa soutane blanche, l'accroche à un cintre, puis retire son pantalon et fait de même avec. Mes yeux roulent sur toutes les cicatrices qui parcourent son corps sculpté. Certaines sont si anciennes... Cette vision est douloureuse. Si jeune et déjà tant de blessures...

― Je suis passé voir Keith, tout à l'heure, dit-il en se mettant entièrement nu. Il m'a parlé d'un marché noir. Là non plus, tu ne sais rien ?

Mon regard coule le long de son dos jusqu'au creux de ses reins et lèche son fessier musclé. Mon cœur bat plus fort. Ses fesses... mon Dieu, ses fesses... Je me mords la lèvre.

― On m'a parlé de ce marché noir, j'y ai été invité plus d'une fois, dis-je en avançant vers lui. C'est au Lorens. Je ne sais pas ce qui est vendu là-bas, mais c'est d'une grande qualité. Ou en tout cas, c'est très prisé. Après les ventes, il y a des soirées privées qui durent toute la nuit. Mon ami Eliott m'a écrit au sujet d'un nouveau produit phare, mais je ne sais pas ce que...

― Un produit mystère qui sera lancé à la prochaine vente, oui, j'ai appris ça.

― Comment tu le sais ? m'étonné-je.

― J'ai mes sources.

Je pose mes mains sur ses épaules nues tandis qu'il sort un pantalon et un haut noirs, ainsi qu'un long manteau paroissial pour les accrocher sur une autre porte de l'armoire. Mes doigts glissent sur ses flancs, je me retiens de continuer sous ses hanches. Malgré son absence de réaction, la chair de poule file sur sa peau. Son corps ne ment pas. Je dépose des petits baisers dans sa nuque et laisse traîner mes lèvres sur son trapèze.

― Matthew, je n'ai pas le temps de...

Il s'interrompt dans une brève inspiration lorsque je trace un chemin précis avec mon pouce, le long de son épaule. Je n'ai pas besoin de voir son sexe entre ses jambes pour savoir qu'une bouffée d'excitation vient de le submerger. Le voir tressaillir sous mon toucher est une sensation exquise.

― Es-tu en auscultation ou juste en train de me torturer ?

― Je voulais juste voir que je te faisais de l'effet, susurré-je dans un sourire.

Il se tourne vers moi et me laisse admirer son début d'érection. Absolument magnifique.

― Tu en doutes vraiment ? Alors que tu connais l'anatomie humaine par cœur ?

― Je ne parle pas de sciences, William. Je parle d'alchimie, de sentiments...

Je prends ses mains dans les miennes.

― Matthew, qu'est-ce que tu as à me dire ?

― Rien. C'est juste que... tu prends des risques chaque jour, tu peux te faire tuer à n'importe quel moment.

― C'est ma vie. Je pensais que tu l'avais acceptée quand tu as choisi de me séduire.

― Entre la théorie et la pratique...

― Matthew.

Un instant, je pense que je vais entendre toute une série de reproches, comme l'a prédit Sylas, mais il enroule ma main dans sa nuque et fait de même avec la mienne avant de coller nos fronts l'un à l'autre.

― S'il y a quelqu'un qui n'a pas le droit de mourir, c'est bien moi. Tout ira bien. Il n'y a pas d'autre option.

Il dépose un baiser sur mon front, un second sur le bout de mon nez, puis un dernier sur ma bouche. Je soupire dans un hochement de tête, puis il s'habille. 

Je fronce les sourcils au fur et à mesure que sa tenue se compose sous mes yeux. Il enfile des bottes aux semelles et aux bouts crantés, attache une multitude de solides sangles en cuir autour de son buste et de ses cuisses, par-dessus son pantalon, passe la tête dans un cache-cou, puis termine avec le manteau noir. Une fois sur lui, le vêtement prend des allures de cape. J'aperçois les nombreuses poches qu'il dissimule lorsqu'il l'ajuste sur son torse et passe ses mains dans chaque interstice pour en vérifier le contenu. Il compte chasser cette nuit... Mon estomac se noue.

― Où est-ce que tu vas ?

― J'ai quelqu'un à aller interroger.

― Le trafiquant ?

― En effet, répond-il en refermant l'armoire.

― Seul ?

― Comme d'habitude.

C'est trop risqué... ! Mon corps réagit avant la raison. Je l'attrape par le bras dans un réflexe.

― Tu ne peux pas y aller !

Il pose un regard agrandi sur moi, puis ses yeux se plissent. Il rejette ma main et se détourne, mais je le retiens à nouveau. Cette fois, il me fait face avec un air noir.

― Matthew Nightingall, soit tu es avec moi, soit tu es contre moi. Choisis ton camp, maintenant. Et n'en change plus.

Son visage glacial et sa voix sèche me surprennent. Contrôle-toi, Matthew, contrôle-toi ! Si je suis une entrave à ses plans, je le perdrai. Mes doigts se resserrent nerveusement autour de son bras, puis j'approuve d'un hochement de tête, à contrecœur. Son hostilité s'envole dès lors que je le relâche et il retrouve sa sérénité habituelle.

― Tu as choisi. Ne me trahis pas.

― Jamais.

Il fait volte-face dans le mouvement gracieux de son manteau et claque la porte derrière lui. Je ferme les yeux, dents serrées. Je pars enfouir mon nez dans la soutane blanche qu'il portait pour me noyer dans son odeur. La véritable malédiction n'est pas d'avoir besoin de sang humain pour empêcher notre corps de se dégrader, mais d'être enchaîné à la souffrance éternelle, à travers l'amour.

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